Une démarche transversale
La démarche paysagère est transversale, et ne se limite certainement pas à définir des zones de protection. Elle permet au contraire au projet de territoire d’articuler les approches économiques, environnementales, démographiques et culturelles. Et de les traduire en valorisant la qualité du cadre de vie et l’identité des lieux.
La valeur « paysage » rejaillit fortement sur la qualité de vie des habitants et l’attractivité économique des territoires, à l’évidence dans les régions touristiques, mais aussi ailleurs. Le projet de territoire, énoncé dans les documents de planification, est le moyen le plus approprié offert aux collectivités pour protéger les valeurs de leurs paysages, et tirer parti de leurs qualités.
L’identification et la prise en compte des enjeux du paysage reposent sur trois principaux éléments au moment de constituer les documents « porteurs » des projets de territoire : les auteurs des projets, les méthodes de projet, les moyens et outils.
Une prise en compte efficace du paysage nécessite la présence de paysagistes formés au projet dans les équipes pluridisciplinaires. Ils peuvent ainsi accompagner les autres compétences (urbanistes, économistes, environnementalistes, sociologues, architectes) dans l’identification du territoire et de ses enjeux, ainsi que dans la formalisation du projet.
L’expertise professionnelle des paysagistes porte en effet sur la synthèse des divers savoirs du territoire
l’organisation des éléments du territoire (naturels ou bâtis) en structures cohérentes et lisibles
l’identification de l’identité profonde des lieux, qu’il s’agisse de la charpente naturelle ou des organisations territoriales historiques
les éléments de nature et les milieux
les conditions de perception, la culture qui porte les critères de qualité et de beauté
la transformation des lieux par le projet, sur la base des potentialités, et grâce à leur formation créative.
Une approche paysagère du territoire dans sa globalité, permet de situer les relations entre les espaces bâtis et non bâtis au sein d’une analyse des « structures paysagères ».
Cette analyse est nécessaire lors des premières étapes des processus, croisée aux approches économiques (notamment celle de l’économie agricole) et celles des formes urbaines.
Elle permet non seulement d’identifier les paysages nécessitant des mesures de protection, mais aussi et surtout les potentialités du territoire à s’organiser dans une relation harmonieuse entre les espaces bâtis et les espaces agro-naturels.
La présence d’un paysagiste de projet, (c’est-à-dire formé à la conception autant qu’à la connaissance des paysages), est nécessaire pour concevoir les dispositions de l’espace permettant la protection des espaces naturels et leur valorisation dans le cadre de vie, en synthèse des diverses approches : continuités environnementales (les trames vertes et bleues), l’activité agricole, le patrimoine bâti et naturel, le programme urbain… A chaque niveau des projets territoriaux (le SCoT, le PLU et PLU—I, les orientations d’aménagement des zones AU, la ZAC…), cette capacité à imaginer un espace nouveau est nécessaire, à l’heure où le paysage est une « demande sociale ».
Tout acte de construction, de démolition, toute forme d’intervention urbaine, architecturale ont des impacts sur le paysage et sa perception. Le recours à des modèles préétablis de développement urbain, sans conception spécifique, génère des phénomènes de banalisation que l’on perçoit avec le temps.
Qualifier le paysage par le projet transversal de territoire
La déstructuration des paysages est souvent le fruit d’un manque de cohérence des initiatives d’aménagement du territoire et de développement urbain. La recherche d’un paysage de qualité passe, non pas tant par des mesures de protections, que par une démarche de recherche de cohérence, une approche transversale du territoire, à chaque échelle de projet.
Le morcellement des initiatives, notamment du fait du découpage très fin des communes, est une cause de déstructuration paysagère, à laquelle il est nécessaire de répondre par des approches mutualisées.
Des cohérences à trouver en priorité à l’échelle du département : aires urbaines, côtes, parcours routiers, éoliennes
L’étude de l’atlas des paysages a permis d’identifier, en complément des aires urbaines qui font pour la plupart l’objet de projets de territoire, plusieurs échelles de territoires qui pourraient nécessiter de telles démarches. On y trouve :
Les côtes, paysages très fragiles, très convoités, sources de prospérité, les côtes appellent des approches synthétiques de développement mettant la qualité du paysage au cœur des projets. Certaines de ces démarches sont effectuées (SMVM du golfe par exemple), d’autres en cours, mais le travail de projet et d’ajustement doit pouvoir se poursuivre.
Les parcours routiers, ponctués par une succession désordonnée d’implantations économiques. Les positions des zones d’activité et le traitement de leur perception depuis les voies est un sujet de paysage très important, notamment dans un département très visité et parcouru du fait de sa forte attractivité touristique. Des schémas de cohérence paysagère d’itinéraires seraient très utiles, intégrant, outre les activités et les logements, la question de l’implantation des éoliennes.
Les éoliennes, grands objets très visibles, ont un impact très fort, qui nécessite une approche à diverses échelles, notamment celle du département et des grands ensembles de paysage, ainsi que des déclinaisons à l’échelle des pays afin de déboucher sur des zones de développement éolien qui prennent « sens » vis-à-vis du paysage morbihannais.
(Voir aussi l’article consacré plus largement aux enjeux des éoliennes)
Le paysage résulte de l’interaction des composantes du territoire entre elles (notamment urbaines et agro-naturelles) et avec les conditions de perception. La démarche paysagère peut ainsi, par sa transversalité et son caractère synthétique, éclairer très utilement les projets de territoire et les processus d’aménagement, qui sont évoqués ci-après. Du fait de sa transversalité, la question paysagère est ainsi à situer au cœur même du projet de territoire, et non comme un sujet à part.
L’existence d’un volet paysager à chaque échelle de projet apparaît ainsi comme un bon moyen d’agir en faveur de la qualité paysagère, d’autant plus réussie qu’elle accompagne un projet global, y compris économique et environnemental.
Les plans de paysage
Depuis 1993, les "plans de paysage" permettent de fixer, dans la concertation, les objectifs de qualité paysagère, à l’échelle intercommunale, en tenant compte des dynamiques en cours. La démarche offre l’occasion de partager un diagnostic et d’identifier les caractères locaux, et de proposer, sous une forme indicative, des dispositions d’aménagement, de gestion ou de protection. Les plans de paysage peuvent très utilement accompagner les documents de planification intercommunaux (SCoT, PLU-I). Belle-Ile a fait l’objet d’un des tout premiers plans de paysage, conduit par le paysagiste-urbaniste Alexandre Chemetoff.
Les directives paysagères
Créées par la loi paysage de 1993, les "directives de protection et de mise en valeur des paysages" permettent de protéger spécifiquement des structures paysagères (comme le bocage), des motifs particuliers, ou certaines vues remarquables. Elles occasionnent une large concertation, et leurs dispositions s’imposent aux documents de planification et d’urbanisme. Deux directives sont actuellement en vigueur (Alpilles et Mont Salève).
SCoT et PLUI
La législation propose différents outils règlementaires, qui s’ajustent aux échelles territoriales et à leurs enjeux, et au sein desquels le projet paysager des territoires doit pouvoir être mise en œuvre.
Les principaux dispositifs règlementaires, au sein desquels les enjeux du paysage peuvent être traduits en termes de projet, sont les schéma de cohérence territoriale (SCoT) à l’échelle de grands territoires, et les plans locaux d’urbanisme (PLU), à l’échelle des communes, mais qui peuvent être également Intercommunaux (PLUI), ce qui est préférable pour aborder plus justement les questions de continuités paysagères.
Leur élaboration prend en compte des échelles territoriales différentes, leurs projets d’aménagement et de développement durable permettent, si la question du paysage s’y inscrit délibérément, de proposer des orientations territoriales efficaces : protection des sites identitaires et remarquables, mise en place de trames paysagères, valorisation de la charpente naturelle, articulation du développement urbain à l’environnement agro-naturel, qualifications de l’espace public…
La démarche d’approche environnementale de l’urbanisme peut accompagner l’élaboration des PLU, et les ambitions du projet de paysage peuvent y être associées.
La question du zonage – les dérives
Le projet urbain et paysager des territoires est dominé par une logique de zonage et de découpage.
L’application et le respect du zonage a certainement permis de protéger des secteurs sensibles. Mais la méthode a aussi montré ses limites. Le dessin de ces secteurs se ressent physiquement, notamment la ségrégation parfois brutale des zones à vocation spécialisée (lotissements, activités, commerces)... et la faiblesse des articulations entre les zones. Pourtant, la limite entre les espaces urbains et les paysages agro-naturels ne peut se contenter d’être juste une ligne de séparation. Le "bord de ville" peut et doit, au contraire, offrir à la fois une lisibilité des territoires, et la possibilité d’inscrire dans le cadre de vie urbain les horizons et les perspectives des cultures, des prairies, ou de la nature. La limite est aussi un lieu essentiel, support d’usages et utile à la qualité de la perception des territoires.
Le zonage systématique des espaces boisés en « espaces boisés à protéger » n’est pas en soi une démarche paysagère, et vient parfois « protéger » des motifs sans véritable intérêt, ni paysager, ni environnemental. De même, les zonages peuvent induire des fragmentations qui disloquent les agglomérations, en séparant trop brutalement activités et logements par exemple.
Des approches plus ouvertes, plus complexes, sont désormais nécessaires à l’invention de paysages urbains répondant aux enjeux contemporains de cadre de vie, d’environnement, de développement durable.
Les parcs naturels régionaux
Au-delà des objectifs de protection naturelle, les PNR offrent aux collectivités l’occasion de mettre en œuvre des méthodes innovantes et performantes de planification et de "gouvernance", dans lesquelles le paysage se trouve mis en avant. Au croisement des nécessités économiques, environnementales, d’image territoriale, la démarche paysagère est, dans les PNR, à la fois un enjeu et une méthode, mais surtout une valeur partagée par tous.
Les outils fonciers
Le projet de paysage des territoires peut également être poursuivi lors de démarches foncières.
Les aménagements fonciers permettent notamment de définir, dans les secteurs ruraux, le projet de valorisation de la trame bocagère.
Les politiques d’acquisition publique des Esaces Naturels Sensibles, à l’échelle du département, et du conservatoire du Littoral, à l’échelle nationale, permettent de protéger de la pression foncière, d’aménager et de rendre accessibles au public, des sites paysagers dont l’intérêt aura été remarqué.
Enfin, dans les opérations de restructuration urbaine, un portage foncier peut être assuré par l’Etablissement public foncier de Bretagne.
Les dispositifs de soutien à l’agriculture
L’agriculture participe fortement à la production de paysages dont elle constitue un élément majeur d’"identité" territoriale. Si plusieurs dispositifs de soutien à l’agriculture "durable" existent, la composante agricole mériterait d’être davantage intégrée dans les documents d’urbanisme. Aller voir Les enjeux de l’agriculture, du bocage et de la forêt
Les programmes d’incitation
Il existe plusieurs programmes de subventions, utilisés par certaines collectivités pour encourager des opérations favorables à la qualité des paysages. Citons notamment les programmes Breizh bocage, encourageant la plantation de haies, Qualiparc, visant la qualité des zones d’activité ; ainsi que les lignes dédiées aux chemins de randonnée, programmes financés par le conseil régional de Bretagne et le conseil général du Morbihan.
Les partenaires
Pour mener à bien leurs projets et les aider à inscrire le paysage dans leur démarches, les collectivités peuvent utilement faire appel à de nombreux partenaires (associés au présent atlas) : Le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement du Morbihan (CAUE)
La chambre d’agriculture
Les services de l’Etat (Direction des Territoires et de la Mer du morbihan (DDTM), Direction Régionale de l’Environnement, de l’aménagement et du Logement de Bretagne (DREAL))
Le Conseil Général et sa direction de l’aménagement du territoire, les actions d’ENS, les chemins de randonnée, l’accompagnement des collectivités
Le Conseil Régional, et ses diverses actions, comme l’accompagnement des PNR, ou le dispositif Eco-FAUR