Atlas des paysages du Morbihan

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Tourisme et paysages : une nécessité de protection et de projet

Des démarches à adapter aux sites et aux enjeux - L’exemple des campings


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Dunes de Kerminihy à Erdeven
L’opération "Grand Site" a redonné aux dunes leur caracère naturel en organisant la circulation et le stationnement.

L’exemple des « grands sites » indique la nécessité de réparer certaines dérives de la pression touristique sur les paysages : dans le Morbihan le massif dunaire de Gâvres à Quiberon a pu ainsi faire reculer la circulation et les stationnements afin de faire mieux valoir la présence -tant environnementale que sensible- des paysages dunaires. Le site y a gagné à la fois sur le plan du paysage, en révélant davantage son originalité, les richesses naturelles se trouvent mieux protégées, et les pratiques touristiques (la promenade, la plage) sont plus tranquilles, tout en bénéficiant d’un cadre « retrouvé ». Les valeurs naturelles restent en effet, depuis l’origine du tourisme balnéaire, tout aussi vives dans les attentes des clients, et aux valeurs esthétiques et sanitaires des débuts, s’ajoutent désormais celles de la connaissance scientifique des milieux et du développement durable.
Les valeurs, les évolutions, les enjeux, se multiplient sur les sites les plus soumis aux pressions, qui sont également ceux qui « portent » la prospérité économique touristique. Le paysage se trouve au cœur de ces enjeux, et motive de nombreuses dispositions de protection comme les sites classés, les politiques d’acquisition-aménagement comme celles du Conservatoire du littoral ou la politique départementale des Espaces Naturels Sensibles. La loi « littoral » vient également protéger les côtes encore préservées de la pression d’urbanisation.
La qualité des paysages ne doit cependant pas ignorer les espaces du développement eux-mêmes, et tient à la manière dont sont synthétisés et articulés au sein d’un même projet de territoire les enjeux du développement économique, du développement urbain, du développement durable, ceux de la jouissance des lieux par les habitants et les touristes. Le « projet de paysage » est en mesure d’apporter des réponses à cette multiplicité d’intérêt et de composantes, en imaginant les nouvelles structures et enchaînements correspondant aux situations contemporaines.
Seul un projet concerté et dessiné permet d’organiser au sein d’un seul et même projet
la protection et la valorisation des sites et les conditions de leur accessibilité (soit l’offre paysagère initiale nécessaire à l’attractivité des lieux)
les dispositions du développement économique induit : commerces, hôtellerie construite et de plein-air, mais aussi infrastructures terrestres et portuaires
le développement résidentiel et d’activités désormais fortement induit par les sites de vacances
Une des questions les plus essentielles consiste dans l’échelle à laquelle les projets doivent être conduits. L’exemple de la ria d’Etel, étudié par les ateliers nationaux du littoral, indique à quel point il est indispensable d’identifier le territoire de projet permettant de coordonner le développement tout en tenant compte des composantes naturelles (ici la ria ) en intégrant leur échelle, sans les scinder. Le projet de PNR du golfe du Morbihan va dans ce sens et peut ouvrir de réelles perspectives en termes de coordination du projet de développement. Cependant, on peut affirmer que tous les territoires méritent le degré de soin avec lequel le paysage est abordé dans un PNR, et particulièrement les territoires touristiques pour lesquels la qualité des paysages est une ressource économique, à l’instar du Pays d’Auray qui a inscrit l’objectif de la qualité des paysages au cœur de son SCoT.
Parmi les axes de projet qui se présentent, on peut citer :

- La protection et le renforcement de la présence des éléments de nature, notamment les ouvertures visuelles sur les côtes, la végétation qui peut être piétinée par de trop fortes fréquentations, ou le trait de côte parfois artificialisé à l’excès

- La valorisation des « enchaînements paysagers », notamment en arrière du trait de côte, quand se présentent des espaces de marais ou de campagne cultivée

- La constitution de réseaux d’espaces paysagers formant des « armatures territoriales » capables de structurer les formes du développement en intelligence avec les espaces naturels et cultivés, et accueillant les itinéraires de liaisons douces.

- La valorisation des itinéraires de promenade, en particulier les promenades à pied et à vélo, appuyés sur les réseaux d’espaces paysagers

- La localisation et le traitement des campings et caravanings dans le projet paysager global. Le développement des mobile-homes apparente en effet de plus en plus dans le paysage ces équipements à des secteurs urbains, et appelle à les traiter comme tels dans le projet.

- Le maintien de l’activité agricole, porteuse de paysages ouverts, et d’enchaînements paysagers riches

- L’articulation du projet de développement aux grands itinéraires routiers pour éviter les effets de chapelets de zones commerciales et d’activité et offrir une perception valorisante des territoires

- Le traitement des articulations entre les secteurs construits et les secteurs naturels, dont la valeur est trop souvent ignorée en raison de l’hyper-polarisation des attentions sur le trait de côte

- L’organisation des trajets et des stationnements automobiles, en cherchant l’équilibre entre l’accessibilité et la préservation des ambiances.

- L’énoncé de modalités de gestion spécifique garantissant les qualités paysagères, naturelles et culturelles des sites, le choix d’espèces non invasives (cas du Baccharis ou de l’ibis)

 Le tourisme, une orientation pour le Morbihan intérieur


Il y a deux Morbihan pour le tourisme comme pour les paysages, avec un Morbihan intérieur éloigné des côtes par les reliefs de Lanvaux et dont la vocation touristique se concentre sur le canal de Nantes à Brest et sur le lac de Guerlédan.

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Le canal de Nantes à Brest
Les ambiances de nature et de tranquillité, la présence de l’eau et l’accessibilité à la promenade font du canal un attrait touristique de premier ordre pour le Morbihan intérieur.

Les choix de développement s’étant portés sur la filière agricole et agro-alimentaire, les ambiances ne sont pas nécessairement propices au développement de ce qui doit être « offert » aux touristes : les promenades dans de beaux paysages. En dehors du canal par exemple, les rivières ne sont que très partiellement accessibles par les chemins, et il en est de même pour le bocage, dont l’évolution est guidée de préférence par les contraintes des exploitations, et où l’on ne trouve pas toujours les qualités de promenade que ce type de paysage permettrait d’offrir.
Le potentiel d’attractivité est pourtant réel dans les paysages de Bretagne intérieure, qui présente notamment de superbes ambiances marquées par les innombrables rivières, le petit patrimoine très nombreux, les arbres du bocage ou les animaux au pâturage. Pour une clientèle qui veut échapper à la pression des côtes, tout en bénéficiant de l’attractivité de la Bretagne sur d’autres plans (notamment les traditions populaires encore très vivantes ou l’art contemporain très bien représenté à Kerguehennec et lors de l’art dans les chapelles), les paysages ont « de quoi » donner satisfaction, à condition d’être pris en considération dans les processus de planification et de gestion.
Constituer « l’offre touristique » tout en bonifiant le cadre de vie des habitants peut utilement commencer par l’identification des itinéraires de promenade à pied, à vélo, à cheval, voire en bateau. Le réseau de chemins ne va pas de soi, il doit être concerté pour desservir les espaces motivants (cours d’eau, points de vue, patrimoines, hébergements) en utilisant le réseau bocager identifié, en évitant les « points noirs » (activités nuisantes, paysages banalisés), et en proposant des itinéraires bouclés. Le projet est à croiser avec celui des trames vertes et bleues nécessaires à la biodiversité dont les sites majeurs peuvent contribuer à l’attractivité des promenades.
Autour de ce réseau, il devient possible d’identifier les priorités du paysage : préservation et entretien des bocages par exemple, voire accords avec les exploitants pour orienter les cultures (pas de maïs devant les points de vue, par exemple)… de même, les logiques du développement urbain (zones de développement, infrastructures, formes urbaines) sont à considérer en fonction de l’intelligence avec la structure paysagère à laquelle elles peuvent contribuer.
La recherche d’un développement touristique légitime à l’intérieur des terres peut motiver une approche paysagère attentive dont les retombées sont également profitables à la qualité de vie des habitants.

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Chemin dans la vallée de l’Ellé
La nature baignée de mystère au creux de la vallée, au Faouët, correspond à une attente de Bretagne mystérieuse et naturelle, mais aussi de tranquillité loin des foules de la côte.

 La concentration des campings, un enjeu pour la côte

Une fréquentation en hausse qui impacte les paysages
L’essor de l’hôtellerie de plein air se traduit par une multiplication des campings dont les effets sur le paysage sont notables, en particulier sur le littoral où ils se concentrent. (cf : paysage et tourisme, un mécanisme d’influence mutuelle)
Les « maisons mobiles » se substituent aux tentes et aux caravanes, autrefois temporaires. Elles n’ont cependant de mobile que le nom, et constituent de véritables « villages » devenus pérennes, occasionnant même parfois un habitat permanent.

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Camping à la pointe du Bile, Pénestin
Même en hiver, les maisons mobiles apparaissent comme un village pérenne. D’autant que le modèle reprend certains caractères de la maison dite « néo-bretonne » : façades blanches et toiture noire. Le manque de traitement des limites est aussi problématique dans ce cas que dans celui des lotissements.


Ces conditions engendrent un fort étalement qui doit être maîtrisé, au même titre et dans les mêmes considérations que l’urbanisation pérenne à laquelle les campings s’apparentent de plus en plus. Ce phénomène croissant impose une prise en considération sérieuse des modalités de développement des campings en relation avec les paysages, dans une approche commune avec les espaces urbains qui les voisinent.
Vers une approche d’intégration paysagère
Depuis 2005, les professionnels de la Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air (FNHPA) ont adopté plusieurs dispositifs de réglementation de l’activité, et notamment en matière de paysage et d’environnement, une charte d’intégration paysagère. Le document définit un grand nombre de préconisations d’aménagement du site et d’intégration au paysage environnant.

D’autre part, la réforme générale du code de l’urbanisme (2007) impose clairement l’entrée en vigueur d’un volet spécifique visant à améliorer les qualités environnementales et paysagères des sites.
Il paraît essentiel que le développement des campings, au même titre que les espaces urbains, respecte les principes d’un réseau de continuités paysagères définissant des enchainements non bâtis pouvant apporter un cadre de qualité et une plus-value pour ces sites de résidence touristique.

Le camping comme le parc d’un château
Sous de nombreux angles d’approche les campings sont comparables aux composition patrimoniales des parcs de châteaux. L’accueil et les équipements proposés aux vacanciers s’entourent ainsi d’un espace aux ambiances de parc, dont la particularité est d’être habité.
Tel un parc, le camping nécessite de la même façon une composition paysagère d’ensemble dans laquelle il est mis en relation avec les éléments de nature qui l’environnent.
Au delà de la question de la qualité de l’aménagement des zones de camping, celle de leur positionnement urbain et de leur insertion paysagère est donc essentielle. A cet égard les implantations en "front de mer" sont parmi les plus préjudiciables pour les paysages, notamment lorsque les habitations légères de couleur blanche se détachent sur un arrière plan boisé qui les rend d’autant plus visibles.

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Saint Pierre de Quiberon, plage du Petit Rohu
Les qualités d’ambiance naturelles de la côte sont atténuées par le positionnement des camping en premier plan de la côte.

Une composition paysagère pérenne et qualifiante
L’habitat temporaire devrait pouvoir être levé rapidement, et le lieu retrouver son état initial. L’idée entre cependant en contradiction avec les installations modernes pérennes (« habitat dur », blocs sanitaires, piscines...) qui accompagnent communément les sites d’accueil et dont le développement traduit la demande en hausse d’un cadre de haut standing et le besoin d’une grande diversité des services.
Certains outils du paysagiste peuvent cependant permettre une « intégration douce » de ces éléments, limitant leur impact sur les paysages :

- le choix du site est essentiel, afin qu’il n’intervienne pas en rupture d’une continuité de paysage, et que la position offre la possibilité de vues de qualité sur des espaces de "nature",
- la prise en considération de la valeur des boisements, très présents sur les côtes morbihannaise, capables d’absorber les volumes bâtis et d’offrir un cadre naturel et un ombrage confortable aux habitations légères
- un traitement qualitatif des limites favorisant une intimité du lieu et réduisant les vis-à-vis avec les zones urbaines voisines.

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Carnac, Route de Kerlescan
Le camping s’intègre sous un couvert boisé de pins qui produisent d’agréables ambiances de nature et un ombrage apprécié.
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Carnac, Route de Kerlescan
Les maisons mobiles s’organisent autour d’une allée qui serpente au c ?ur de la propriété. Un grand soin est apporté aux espaces extérieurs qui composent des parcelles peu définies dans un cadre de nature intense.
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Coupe sur un camping en bord de plage
En haut, les maisons mobiles s’implantent jusqu’au bord de mer, imposant leur aspect de lotissement. En bas, une solution plus attentive au paysage : les implantations sont reculées derrière la lisière du bois. Un paysage peut se mettre en place entre la plage et la lisière.

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