Des potentialités à encadrer et à envisager à une échelle régionale
Éoliennes et centrales photovoltaïques ont en commun de poser de nouvelles problématiques paysagères. Mais ces enjeux n’ont ni la même actualité ni la même portée.
Un objet neuf et industriel dans les campagnes
L’éolienne est un objet nouveau du paysage, auquel nous sommes peu habitués. Aucun cliché n’est associé à l’objet. Pour le moment, son image n’est pas encore établie, mais peut-il devenir un symbole du développement durable et du respect de l’environnement ?
L’éolienne est identifiée a priori comme un objet industriel qui dénote de manière générale avec l’environnement de campagne dans lequel elle est mise en place. Du fait des contraintes réglementaires, les implantations s’éloignent en effet systématiquement des secteurs d’activité existants où elles auraient pourtant une place logique et moins impactante que dans les paysages ruraux.
Des objets modernes parmi d’autres
Il existe d’autres objets industriels dans le paysage des campagnes morbihannaises, liés principalement à la production agricole (silos, bâtiments d’élevages) et aux industries agro alimentaires, mais aussi des routes ou des réseaux électriques qui sont aujourd’hui acceptés. Ceci rend probablement ces campagnes déjà modernisées capables d’accueillir de nouveaux motifs, en particulier le long des axes routiers.
Une opinion assez favorable
De manière générale l’opinion est positive vis-à-vis de la présence des éoliennes : deux tiers des enquêtés se disent favorables à une implantation éolienne à condition qu’elle soit à plus d’un kilomètre de chez eux. En revanche, il est également avéré que la présence de machines à proximité des logements retentit sur leur valeur. Ce qui indique aussi que les machines ne sont pas considérées comme des motifs valorisant le paysage résidentiel (Source : Commissariat du développement durable, n°167 octobre 2010, baromètre d’opinion sur l’énergie et le climat en 2010).
L’étude sociologique sur la perception des paysages du Morbihan menée en complément du présent atlas montre que les habitants sont peu choqués vis-à-vis de ce nouvel objet :
"Les éoliennes ne donnent pas non plus lieu à de nombreux commentaires. Il nous faut chaque fois poser la question à nos interlocuteurs pour que le sujet soit abordé.
Incontestablement, à propos des éoliennes, c’est avant tout le riverain qui semble être
le plus concerné. Nos interlocuteurs sont souvent très distants, « ça ne me gêne pas »,
« je ne trouve pas que ce soit moche »…"
Des paysages très dynamiques
La forme des reliefs et la répartition notablement dispersée des éléments (notamment arborés et bâtis) impriment globalement aux unités de plateau de l’Argoat une ambiance de paysages modestement structurés mais proposant une incessante variété de faciès. Cette disposition particulière se perçoit lors des déplacements, en voiture ou lors de promenades à pieds, de scène en scène, d’horizon à horizon. Le sujet de la dispersion des éoliennes est ainsi à mettre en perspective dans la dispersion même des éléments du paysage et la relative rareté des grands dégagements visuels. Le risque est, sans cadrage suffisant, que la dispersion « identitaire » constatée et assumée n’autorise un développement si désordonné qu’il provoque la confusion, ce qui s’est produit avec le mitage pavillonnaire des lotissements et le long des routes.
En revanche, la disposition des machines et leurs éventuelles concentrations pourraient prendre sens en révélant certaines structures paysagères, notamment des lignes de crête.
Développer les critères d’appréciation paysagère des éoliennes
Le gigantisme de l’objet le rend impossible à intégrer dans son paysage, en faisant appel aux composantes en place dont l’échelle est bien plus faible. Il doit donc être pris en considération dans le cadre d’un projet de paysage où il participe d’une vision à l’échelle d’un vaste territoire.
A cet effet, plusieurs angles d’approche font émerger des thématiques de critères de jugement et de projets de répartition :
Les images Les éoliennes sont des objets industriels, en métal blanc, "étrangers" à l’idée du paysage naturel ou bucolique
De nombreux paysages bénéficient d’une image « établie », notamment les paysages emblématiques des côtes naturelles et des belles campagnes de l’argoat, image dans laquelle les éoliennes n’ont pas leur place.
La forme de l’objet Les éoliennes sont à peu près toutes du même modèle, leur répétition peut générer un effet de banalisation
la rotation des pales est contraire à l’idée d’immobilité d’un paysage "harmonieux"... le regard est attiré par le mouvement qui renforce la présence des machines (de même que le bruit)
problème d’échelle : les machines sont démesurées, jusqu’à 150m en haut des pales, plus hautes que les arbres, donc impossibles à camoufler.
Le rapport au lieu La capacité à capter l’attention : l’objet élancé, saillant, et très visible fonctionne comme un point d’appel, comme une « fabrique » dans le paysage. Les verticales « non mystiques » des mâts fonctionnent comme les repères verticaux des clochers, des silos, des pylônes, des châteaux d’eau… Il est ainsi évident que les éoliennes entreraient en concurrence visuelle avec d’autres éléments, notamment les bâtiments patrimoniaux, et qu’il faut en éviter les perceptions simultanées avec les églises, les châteaux…
L’échelle : le gigantisme des machines peut avoir pour effet de « réduire », par comparaison, la taille des éléments du paysage, notamment les reliefs. Ainsi par exemple, il serait dommage d’implanter des éoliennes à proximité des cluses dans les landes de Lanvaux, ou dans les moutonnements du plateau de Cornouaille intérieure.
Le rôle du relief : les reliefs des plissements ou des collines provoquent des situations qui renforcent la présence visuelle des éoliennes, que l’on dispose sur les crêtes, et que l’on remarque davantage depuis les points de vue situés eux aussi sur les crêtes.
Lumières, couleurs L’objet est toujours blanc, donc visible, cependant les teintes du ciel, les événements météorologiques et l’angle de vue par rapport à la lumière influencent fortement sa présence visuelle (effets de silhouettes à contre-jour, contraste affaibli sur un ciel nuageux blanc).
Paysage de nuit : les clignotants peuvent s’avérer gênants car ils renforcent l’aspect industriel de l’objet sur lequel ils attirent l’attention.
Les dispositions d’implantations
Les effets de mitage éolien et de saturation des horizons sont ceux dont les effets sont les plus impactant. Du fait de leur importance, ces enjeux sont développés plus loin et plus longuement.
La capacité d’accueil du paysage morbihannais
Synthèse des contraintes liées au patrimoine et au paysage
Synthèse des contraintes réglementaires
Les sensibilités du territoire morbihannais expriment différentes contraintes de protection qui orientent les possibilités d’implantation de parcs éoliens : les contraintes liées au patrimoine et aux paysages protégés (sites inscrits, sites classés, paysages emblématiques...)
les contraintes liées au milieu naturel et à l’environnement (Natura 2000, ZNIEFF, Arrêté de protection de biotope, périmètres RAMSAR, réserves naturelles, ...)
les contraintes liées aux zones habitées (périmètre de 500 m autour des logements)
les contraintes liées aux servitudes humaines (réseaux routier et ferré, ondes radio-électriques, captage d’eau potable, servitudes aéronautiques et militaires...)
les contraintes liées aux réseaux électriques existants (capacité technique d’absorption d’une puissance électrique supplémentaire au réseau).
Etude du potentiel éolien
Croisement des contraintes et du potentiel éolien
Les contraintes sont hiérarchisées et synthétisées afin d’être croisées au potentiel de production éolien du département.
La carte obtenue montre que les secteurs les plus favorables d’un point de vue énergétique sont souvent les plus contraignants : le littoral morbihannais est réglementairement et symboliquement très peu favorable, voire interdit, à l’implantation d’éoliennes ; les reliefs des Landes de Lanvaux, mais aussi la majeure partie du plateau de Cornouaille intérieure (du fait de ZNIEFF) sont considérées dans la même situation. Les zones favorables se concentrent principalement dans le plateau de Pontivy-Loudéac, et dans les plaines littorales.
Ces zones favorables correspondent à des paysages aux composantes naturelles et bâties plutôt dispersées, aux reliefs peu prononcés, des territoires peu connus en tant que paysages et peu touristiques, et dont l’économie est orientée vers la production industrielle et agro–alimentaire.
Les paysages côtiers sont quant à eux parfaitement identifiés comme « emblématiques ». Il parait logique de ne pas voir des éoliennes dans des paysages qui font la renommée d’une région, à l’image établie, comme les paysages du Golfe. Ainsi, la confrontation des éoliennes avec le paysage de l’estuaire de la Vilaine peut être ressentie comme un déséquilibre dans le paysage.
Une perspective d’évolution qui appelle une vision stratégique
Les objectifs régionaux tablent sur un triplement du nombre de machines (sur la base des éoliennes en place fin 2010), ce qui est très important, et appelle une organisation réfléchie de leur répartition dans le territoire.
Deux effets sont à contrôler particulièrement à l’échelle du département : le mitage (ou la dispersion territoriale), et la saturation.
Le risque du mitage éolien
L’effet de « mitage éolien » menace les paysages, une grande attention doit être portée aux projets de répartition dans l’espace. Conformément aux orientations nationales, il serait ainsi nécessaire de définir des secteurs d’implantation préférentielle et coordonnée, et de ménager au contraire des espaces de respiration, répartis stratégiquement sur le territoire pour donner sens aux implantations. Vu l’échelle des machines, ce projet de répartition paraît nécessaire à l’échelle du département et de la région. Les espaces de respiration seront utilement associés aux horizons de reliefs actuellement préservés, notamment les Montagnes Noires, les landes de Lanvaux, la Cornouaille intérieure.
Le risque de saturation
La répartition actuelle dessine déjà un secteur préférentiel sur le plateau de Pontivy-Loudéac, pour lequel la présence des machines est en passe de devenir un caractère paysager spécifique. Un projet de répartition « faisant paysage », partagé avec les Côtes d’Armor, peut s’avérer utile sur l’ensemble des plateaux. Il permettrait d’éviter l’effet d’accumulation et de saturation qui naît lorsque, depuis un même point de vue, l’horizon est occupé en de nombreux points par les éoliennes.
Les règles de composition de l’art des jardins nous enseignent, par
exemple, les façons les plus adroites d’organiser l’espace dans une composition équilibrée des volumes, pleins et vides (Voir illustrations ci-dessous).
Il apparaît que le paysage pourtant déjà « actif » des grands axes routiers est trop peu investi par les implantations, une étude spécifique permettrait probablement d’explorer davantage ce potentiel.
Optimiser les sites d’implantation
La règle impose des centrales d’au moins 5 machines, ceci afin d’éviter le mitage, et encourage la concentration. Parallèlement, une distance de 500m doit être respectée autour des logements.
En Bretagne, la recherche de sites d’implantation se heurte à la grande dispersion du bâti, et fait que les sites possibles sont à la fois dispersés et de petite taille.
Une piste qui se présente aujourd’hui consiste à optimiser les emplacements disponibles, en y concentrant les machines.
Une disposition en quinconces, déterminée par les distances techniques à respecter entre les machines, s’avère la plus efficace pour optimiser les sites possibles, et en limiter le nombre.
L’utilisation de l’énergie solaire est encouragée par le Grenelle de l’environnement. Cependant on peut supposer, fin 2010, que les récentes dispositions concernant l’abaissement du prix de rachat auront pour effet de limiter les projets d’implantation.
Et la Bretagne n’est pas la région qui bénéficie des meilleures conditions d’ensoleillement et de durée d’exposition.
Des effets de concurrence avec l’agriculture à éviter
Les statistiques d’occupation du sol indiquent qu’il existe de moins en moins de parcelles dégagées et que les phénomènes d’enfrichement sont en hausse.
Les champs photovoltaïques produisent un effet de "sol". Les installations couvrent la charpente naturelle à la manière des cultures, mais leur aspect industriel et immuable les oppose à l’image d’une belle campagne dont les ambiances évoluent au fil des saisons. Les implantations de champs photovoltaïque ne doivent pas être réalisées aux dépends des terres cultivables, ou même de celles qui pourraient revenir à la culture ou à l’élevage. Il est préférable au contraire d’exploiter de manière plus intelligente les toitures des nombreux bâtiments d’élevage, ainsi que celles des grandes surfaces commerciales ou industrielles des périphéries urbaines.
Les bâtiments d’élevage peuvent, avec la méthanisation, représenter un intéressant potentiel de récupération d’énergie sans impact paysager.
Terminons enfin en évoquant la biomasse, dans un paysage marqué par le bocage et les boisements dispersés. Associer l’entretien du bocage et des forêts avec la production d’énergie pourrait offrir d’intéressantes perspectives dans l’avenir, lorsque les conditions économiques s’y prêteront.