Une forme de "regard" porté sur les enjeux territoriaux
La question des paysages est liée davantage aux projets qu’aux mesures de protection. Sur la plupart des enjeux auxquels les paysages sont aujourd’hui confrontés, les pistes de solution reposent en effet dans l’importance accordée aux paysages dans les processus de projets territoriaux.
Le paysage est, aussi, une forme de "regard" porté sur les enjeux territoriaux de toutes natures.
La valeur des paysages est multiple, culturelle, sociale, économique, environnementale. Soulignons que dans une société du temps libre, et dans un des principaux départements touristiques du premier pays touristique du monde, la valeur économique est loin d’être négligeable.
Les paysages nécessitent une appropriation pour que les efforts convergent au renforcement de leurs qualités, et l’identification de leurs enjeux résulte d’un processus de partage social et d’attachement individuel et collectif. Dans cet atlas, ils sont évoqués du point de vue des auteurs et du comité de Pilotage... cependant leur traduction nécessite de passer par les étapes de la concertation qui accompagnent les processus des projets de territoire.
Les paysages du Morbihan ne sont pas du tout banals. Un des enjeux principaux consiste à valoriser, au-delà des côtes et du canal déjà reconnus, d’autres lieux moins souvent identifiés et qui contribuent néanmoins à la personnalité du département. Citons par exemple les cluses des reliefs de Lanvaux, le val de Béganne, les rebords de Cléguérec, comme autant de lieux à redécouvrir et à valoriser davantage.
Dans son ensemble, le Morbihan présente une personnalité particulière et chaque parcelle du territoire mérite une attention aussi vive que le plus emblématique des sites côtiers.
Le paysage procède de l’expérience sensible : un territoire peut être paysage s’il est possible d’y accéder, de le « pratiquer », et de l’observer. La problématique est importante dans le Morbihan, avec le réseau des chemins bocagers à entretenir, les rivières nombreuses mais souvent inaccessibles, et devant les processus de fermeture visuelle par la friche et l’enrésinement de nombreux sites de vallées, d’anciennes landes, et des campagnes côtières.
Le Morbihan est un des tout premiers départements agricoles français, la vitalité de l’agriculture est indispensable à la personnalité des paysages, déjà fortement influencés par la révolution agricole du XX° siècle. Les enjeux paysagers de l’agriculture consistent pour l’essentiel à contrer la déprise agricole des secteurs fragiles ou concurrencés par l’immobilier, à retrouver si possible les agricultures des fonds de vallées, voire des landes, à justifier et entretenir le bocage, à mieux contrôler l’inscription des bâtiments agricoles et agro-alimentaires.
L’étalement urbain, notamment par les zones d’activité et pavillonnaires, a très durement marqué les paysages morbihannais depuis 60 ans. La consommation, par l’urbanisation, des espaces agro-naturels s’accompagne d’une grave banalisation et d’une déstructuration des territoires, constituant un des enjeux les plus brûlants auquel répondre. La loi « littoral » permet un contrôle du phénomène en relation aux paysages côtiers. Une importante maîtrise des développements urbains, en intelligence avec les paysages agro-naturels, est devenue indispensable, ainsi qu’un mode de production différent des formes urbaines et architecturales. Il est temps de mettre un terme à l’étalement urbain le long des routes, et de densifier les enveloppes urbaines souvent très lâches. De même, des aménagements de « réparations » deviendront utiles devant les effets du développement urbain, fondés notamment sur les réseaux de paysages et les liaisons douces.
Il est possible de transformer un paysage, avec une volonté sociale et politique, en répondant à un projet économique et social, comme ce fut le cas pour la création du bocage, ou lors du remembrement. Les paysages du Morbihan n’obéissent pas à des structures figées qu’il s’agirait de perpétuer. Au contraire, une grande souplesse apparaît dans l’analyse des composantes et ouvre des perspectives de projet très motivantes.
Au-delà des protections, les paysages morbihannais nécessitent aujourd’hui d’être pris en compte dans les projets de territoire à diverses échelles. Une mise en cohérence de l’urbain, du rural, des loisirs, de l’environnement, ainsi que de l’image des territoires, est devenue nécessaire, et passe par le projet. La question du paysage, particulièrement synthétique, peut être mise au centre des schémas de cohérence territoriale, des plans locaux d’urbanisme intercommunaux, des zones d’aménagement concerté… et de tout autre projet territorial, en prenant soin d’y intégrer davantage les questions agricoles, trop souvent négligées dans ces documents.
L’exemple des Parcs Naturels Régionaux ouvre à ce titre une perspective passionnante. Les méthodes particulières y permettent l’énoncé d’un projet profondément concerté et qui embrasse toutes les dimensions du territoire. La prospérité économique y est notamment associée à la volonté d’accompagner durablement la beauté des paysages.