Atlas des paysages du Morbihan

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Évolutions récentes et dynamiques actuelles

Les transformations des dernières décennies et les tendances nouvelles

Durant les dernières décennies, l’ensemble du Morbihan semble pris dans un même mouvement d’urbanisation, de raréfaction des surfaces en herbe, d’augmentation des cultures céréalières... Et malgré les différences de paysages et d’usages si souvent constatées entre l’Argoat et l’Armor, les évolutions récentes ont souvent pris une direction comparable dans l’un et l’autre. Cependant, des dynamiques nouvelles pourraient s’imposer, en particulier en ce qui concerne l’évolution du bocage.


 Introduction : peut-être une période charnière ?

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Entrée du bourg de Silfiac
Les modèles d’implantation et architecturaux, à l’écart du centre, soulignent les différences entre le noyau ancien (en arrière-plan) et les constructions plus récentes, où l’on remarque l’architecture de bois d’un nouveau quartier « développement durable ». Consciente des besoins de cohérence du territoire, la commune s’est engagée dans une démarche qui lui permettra de maîtriser son développement en articulation avec les éléments existants et avec le paysage.

Les observations relatives à l’occupation du sol, la consultation de photos aériennes anciennes, permettent d’apprécier certaines transformations des paysages consécutives aux révolutions agricoles et urbaines du XXe siècle. Ces informations, visuelles, cartographiques et statistiques, révèlent les évolutions les plus marquantes en termes d’emprise spatiale et permettent une compréhension départementale et locale des transformations des territoires et des paysages.

Pour un aperçu de l’évolution des grands types d’occupation du sol, la synthèse des travaux publiée par le laboratoire Costel en 2010 intitulée « La Bretagne a doublé ses surfaces artificialisées en 20 ans » donne un aperçu cartographique régional et les grandes lignes des évolutions récentes.
Comme le suggère son titre, ce document montre que l’évolution la plus flagrante en termes d’occupation du sol est liée aux formes d’urbanisation, au sens large, c’est-à-dire incluant les extensions urbaines proprement dites mais aussi les surfaces affectées aux infrastructures, aux activités industrielles ou aux bâtiments agricoles.

Mais les rythmes et la nature des évolutions diffèrent selon l’échelle temporelle et spatiale des observations. D’autres sources permettent de préciser les formes de l’urbanisation ainsi que les autres évolutions de l’espace rural dont nous donnons ici un aperçu. Il faut cependant préciser que le moment de la rédaction de cet atlas coïncide avec l’apparition de pratiques ou de préoccupations nouvelles concernant l’aménagement de l’espace : prise de conscience des questions d’environnement, appropriation du concept de développement durable, constitution de la Trame verte et bleue et autres inflexions issues du Grenelle de l’Environnement.

 Une urbanisation hors des villes

Le Morbihan étant traditionnellement doté d’un grand nombre d’unités habitées de type bourg ou hameau et d’assez peu de villes [1], la croissance urbaine du département a pris des formes particulières.

Depuis une trentaine d’années, [2] des unités bâties de la côte ou de l’intérieur se sont étendues sur leur périphérie, et cela quelle que soit leur taille initiale. Des hameaux de quelques maisons se sont agrandis, des bourgs modestes se sont étalés, dans des proportions bien supérieures à celles des villes de plus grande taille. Ainsi, en changeant de dimensions, un nombre important de petites taches bâties semblent émerger de manière rapprochée dans le temps et l’espace.
Cela engendre une réduction de l’espace rural, qui apparaît de plus en plus résiduel. Sa transformation s’apparente à une rupture vers un paysage semi-urbanisé dans lequel la présence des bâtiments d’habitation ou d’activité s’accroît. Cette évolution qui atteint son maximum le long du littoral, où les taches urbaines se rejoignent et tendent à former une continuité urbaine, est également marquée dans certaines communes de l’Argoat.

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Carte de l’évolution des surfaces bâties entre 1985 et 2005
Dilatation généralisée de la tache urbaine, notamment autour des petits centres.
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Implantations disséminées autour de Pont-Scorff
Au nord de Quéven et à proximité de Pont-Scorff, la plupart des constructions situées hors agglomération sont postérieures à 1995 et apparaissent en dehors des sites bâtis antérieurement.
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Extensions urbaines et croissance des hameaux vers Ploërmel
Comme sur l’exemple précédent, les constructions les plus récentes sont majoritairement à l’écart de la ville où elles viennent grossir les hameaux.

L’exemple de Plumelec
Plumelec est représentatif à plusieurs titres de certaines évolutions marquantes du Morbihan intérieur de la deuxième moitié du XXe siècle.
Le bourg (2542 habitants en 2007) occupe la crête septentrionale des landes de Lanvaux. La commune s’étend sur le plateau et sur le sillon de la Claie.

La population stagne mais la ville s’étend [3]
La population apparaît stable depuis le recensement de 1962 à aujourd’hui, avec une légère croissance dans la dernière décennie après une légère décroissance à la fin du XXe siècle. Les résidences secondaires ou de tourisme y sont peu importantes. Ce ne sont donc pas les pressions démographique ou touristique qui dirigent les transformations du paysage mais les changements des modes de vie et des types d’habitats qui entraînent une croissance urbaine forte sans croissance de la population. Avec l’accroissement général du niveau de vie, et en l’absence d’offre alternative et concurrentielle en logement collectif, les ménages acquièrent des logements plus grands, de préférence en maisons individuelles, comprenant de grands jardins...

De plus, le nombre de ménages augmente et chaque logement abrite un nombre d’occupants de plus en plus faible : entre les recensements de 1968 et de 2006, malgré une population stagnante, le nombre de logements augmente de 61 % (une centaine de logements en plus entre chaque recensement, des maisons individuelles pour l’essentiel).
Sachant que de nombreuses autres communes du Morbihan connaissent des évolutions de même nature dans un contexte exacerbé par la croissance démographique ou la construction de résidences secondaires, l’exemple de Plumelec est particulièrement éloquent.

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Le bourg de Plumelec en 1952
La tache orange indique la partie urbanisée.
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L’extension urbaine en 2004
Un espace urbain décuplé en 50 ans.


Comparaison des photos du bourg :
La surface urbanisée a tellement progressé qu’il est difficile de croire que la population n’a pas augmenté.
Au-delà d’une première couronne (zone centrale surlignée en orange) qui semble disposée en continuité avec le noyau urbain ancien, la plus grande surface nouvellement urbanisée est constituée par des pavillons qui s’égrènent dans toutes les directions. La photo aérienne rend compte de leur caractère standardisé (forme, dimensions, mode d’implantation dans la parcelle). L’amorce de viabilisation de certaines parcelles montre aussi l’actualité de cette tendance (repère 3).
Quelques grandes surfaces commerciales (à l’ouest, repère 1), d’équipements sportifs ou d’activités (au nord, respectivement 2 et 3) complètent cette urbanisation périphérique avec des positions particulièrement excentrées.
Au total, le bourg de 1952 qui occupait une dizaine d’hectares est devenu une sorte de conurbation rurbaine dont l’emprise a été multipliée par dix aujourd’hui.

Les bâtiments agricoles urbanisent aussi la campagne

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Localisation des bâtiments agricoles apparus depuis 1952
Une densité et une répartition qui en font un élément constant du paysage rural.

Complétant le tissu périurbain à proximité ou à l’écart du bourg, les bâtiments agricoles apparaissent comme de puissants marqueurs du paysage de par leurs dimensions (plusieurs dizaines de mètres de long), leur nombre (plusieurs dizaines sur le territoire de Plumelec) et leur distribution (répartis de telle sorte qu’il y en a presque toujours un, soit directement dans le champ visuel, soit plus ou moins masqué par une haie).
Combinées au mitage résidentiel, ces installations agricoles participent d’une consommation d’espace et contribuent à l’émergence de paysages semi-urbanisés, au morcellement de l’espace rural et des continuités naturelles.

  Un espace rural aux évolutions et dynamiques contrastées

La période des remembrements et de la modernisation de l’agriculture de la fin du XXe siècle [4] a conduit à une raréfaction des haies et bosquets, et à la transformation d’un espace rural largement bocager en un espace plus ouvert. Dans la lignée de cette révolution agricole mais à une vitesse moindre, le phénomène s’est propagé au moins jusqu’au début du XXIe siècle, le Morbihan perdant encore plus de 9 % de haies entre 1996 et 2008. [5]

Mais cette évolution n’est peut être plus d’actualité. Plusieurs indicateurs et observations suggèrent des dynamiques nouvelles tendant à renforcer la présence de l’arbre et des haies.
Aux reboisements des anciennes landes, toujours d’actualité, s’ajoutent des phénomènes d’enfrichement de parcelles bocagères délaissées par l’agriculture [6]. Faisant suite à des opérations de moindre efficacité (programme Harmonie à partir de 1991 [7]), la sauvegarde et la replantation des haies sont désormais institutionnalisées à travers des programmes tels que « Breizh bocage » qui ont pris une ampleur nouvelle et conduisent également à un renforcement du bocage.

Les effets contradictoires ne manquent donc pas :
- entre une agriculture qui continue d’une part de délaisser une partie de ses terres les moins productives [8] et de privilégier les rendements élevés et, d’autre part, une prise de conscience environnementale qui va plutôt à l’encontre de ce mouvement en encourageant des pratiques moins productivistes dans une perspective de développement durable ;
- entre des secteurs de bocage où la déprise conduit à des boisements qui grossissent par dilatation des haies non entretenues et enfrichement des parcelles, et d’autres où les haies sont détruites ou deviennent discontinues.

La logique voudrait que des différenciations locales aujourd’hui encore peu sensibles apparaissent, notamment dans la qualité des boisements et des haies, distinguant ainsi des territoires où l’attention à ses formations est prise en compte et d’autres où elles sont vieillissantes ou mal entretenues.

Exemple : la transformation des landes et parcours de Plumelec
Au sud du bourg de Plumelec, le versant de la Claie apparaît en 1952 comme un espace assez confus de landes et de parcours peu structurés : pas de bocage, très peu d’arbres, des chemins organisés par les troupeaux, un parcellaire qui semble en voie d’effacement [9]
Sur la photo de 2004, les mêmes espaces correspondent désormais à des bois clairement délimités, parfois encore marqués par la jeunesse des boisements, massifs (exemple 1) ou composant une mosaïque avec les parcelles cultivées reprises à la lande (exemple 2).
Exemple 1 :

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Landes du versant de la Claie au sud de Plumelec en 1952
Le réseau des chemins et des parcelles semble peu organisé et déjà en mutation dans cette partie du versant où domine la lande
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Au même endroit, le versant boisé de 2004
Les boisements en parcelles géométriques laissent encore apparaître une tache de lande (au centre) en voie de disparition.


Exemple 2 :

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Landes du versant de la Claie à l’est de Plumelec en 1952
L’aspect du versant est proche de celui de la partie sud de l’extrait précédent avec toutefois une structuration plus affirmée des landes et des parcelles cultivées
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Au même endroit, le versant boisé, cultivé et restructuré de 2004
La lande a pratiquement disparu. Le reboisement s’est effectué avec une stricte réaffectation des parcelles.

S’il est vrai que la disparition des landes continentales ne concerne que des surfaces restreintes (en dehors des Landes de Lanvaux, les surfaces concernées n’ont jamais été très importantes), leur disparition correspond surtout à une perte de diversité d’ambiances comme le montrent ces exemples où les structures anciennes fragiles et intriquées laissent la place à des agencements où le visiteur ne peut plus guère être surpris.

La Claie disparaît sous les arbres
Près du hameau de Cadoudal, au sud-ouest de Plumelec, la Claie serpente sur un fond alluvial. Sur la photo de 1952 les conditions sont variées, faisant alterner une ripisylve intégrée au bocage avec des milieux très ouverts laissant voir la rivière et ses berges. Sur la photo de 2004, ces espaces ouverts sont devenus des bois, la rivière n’est plus visible, même verticalement.

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La Claie à Plumelec en 1952 et en 2004
La tendance à la fermeture du fond de vallée par les boisements est assez fréquente (la flèche indique la Claie). L’apparition d’une parcelle déboisée et remise en culture (sur la partie gauche de la photo) est plus rare.

Un bocage remembré mais toujours présent
Sur le plateau ou au fond du sillon de la Claie, la campagne bocagère de 1952, formée d’un réseau de haies assez dense et changeant conserve aujourd’hui un aspect irrégulier malgré les remembrements. De nombreuses haies ont certes disparu, les champs sont plus grands… mais l’irrégularité du parcellaire est conservée, les haies principales continuent de cadrer les parcelles. Contrairement à la transformation radicale des landes, le bocage n’est que partiellement effacé et semble plutôt avoir changé d’échelle.

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Bocage à Plumelec en 1952 et sa transformation en 2004
Un bocage qui change d’échelle plus qu’il ne disparaît.

 Le développement durable et ses nouvelles composantes

Les éoliennes (et, plus récemment encore, les centrales photovoltaïques) comptent parmi les nouvelles composantes qui, à juste titre, font beaucoup parler de paysage aujourd’hui. Dans le Morbihan, elles apparaissent en nombre important depuis quelques années. Leur impact est tel dans le paysage que nous y consacrons un article particulier dans le chapitre "conditions des paysages" : les éoliennes dans les paysages morbihannais, et un autre dans la partie "enjeux" : enjeux des centrales éoliennes et photovoltaïques.

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Carte des éoliennes construites ou prévues en janvier 2011
Quasi absentes au début du siècle, les éoliennes ont désormais une emprise visuelle considérable qui continue de progresser rapidement. (Source : DDTM du Morbihan, Carte extraite de «  Etat du développement de l’énergie éolienne dans le département du Morbihan au 1er février 2011  »)

L’importance croissante accordée au développement durable et en particulier aux questions énergétiques ne s’arrête pas aux éoliennes. En ce début de XXIe siècle, la recherche de meilleures performances énergétique des bâtiments, la promotion des éco-quartiers font émerger, dans le Morbihan comme ailleurs, un nouveau vocabulaire, lexical mais aussi architectural, qui pourrait infléchir sérieusement les modèles de constructions et les formes urbaines.


Notes

[1voir dans cette partie les articles consacrés à l’urbanisation du département

[2l’évolution de la « tache urbaine » avant les années 1980 est moins bien renseignée. L’information géographique est moins précise et, comme on le voit à Plumelec, les critères démographiques ne peuvent être des indicateurs. La côte a sans doute connu des évolutions marquées plus tôt que le reste du département

[3Quelques chiffres : voir la fiche Insee de la commune

[5Source : Draaf de Bretagne, Les linéaires paysagers de Bretagne, Résultats de l’enquête complémentaire Teruti-Lucas, 2008

[6Voir aussi : "La trame irrégulière des haies, landes et boisements", in Des entités paysagères locales difficiles à appréhender.

[7créé par le conseil régional et les chambres d’agriculture et soutenu par le conseil général, le programme Harmonie a permis de compenser en partie la disparition du bocage par la plantation d’environ 650 km de haies et talus boisés dans une centaine de communes du Morbihan entre 1994 et 2004 (Source : Dreal Bretagne, Orientations régionales de gestion et de conservation de la faune sauvage et de ses habitats de Bretagne, Volume 1 : État des lieux, 2007)

[8bien qu’atténuée, la baisse de la surface agricole utile est encore de 7000 ha entre 2000 et 2007 (Source : Agreste - Enquête structure 2007 et recensement agricole 2000). Une part importante de cette diminution résulte de l’abandon de l’élevage bovin dans certains bas-fonds humides difficiles à valoriser par d’autres activités.

[9Les variations des landes sont fortes et sans cesse remises en cause aux XIXe et XXe siècles comme le montre cet article d’Estelle Ducom, La dynamique spatiale d’un "vide" breton, 2003, revue Mappemonde, n°71


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