Une activité concentrée sur la côte, mais qui marque à des degrés divers l’ensemble du territoire du sixième département touristique français
Activité directement fondée sur les paysages, l’environnement et le patrimoine, le tourisme a un impact direct (infrastructures, étalement urbain) sur ce qui permet son existence même. Flagrantes sur la côte, ses empreintes sont également présentes dans le reste de l’espace départemental, ne serait-ce que par ses conséquences sur l’organisation du territoire. Et la pression immobilière retentit elle-même loin dans les terres.
La beauté des sites de la côte et leur capacité à régénérer les corps et les esprits motivent les pratiques du tourisme depuis la fin du XIXe siècle : l’exemple de Belle-Île est là pour le prouver, avec les tableaux de Port Coton peints par Monet, ou l’achat du fort de la pointe des Poulains par Sarah Bernhardt, venue y soigner son corps et se changer les idées au contact de la rudesse des éléments. Aujourd’hui encore, 40% des touristes du Morbihan évoquent la beauté des sites naturels comme motivation [1], et les paysages marins sont là pour satisfaire leur appétit pour les éléments de nature première, intacte.
La qualité des paysages, ceux de la côte mais aussi les autres, se trouve ainsi à l’origine de l’activité touristique qui représente aujourd’hui plus de 10 % du PIB du Morbihan [2], et le place en tête des départements bretons pour le nombre de nuitées. C’est dire l’importance des paysages, des images qu’ils procurent, symbolisées par exemple par les productions du photographe Philip Plisson. Les représentations de paysages, souvent naturels, contribuent à « valider » l’attractivité des sites où l’on vient, comme les premiers touristes, retrouver en vrai des images appréciées.
En un peu moins d’un siècle, le tourisme a bouleversé les paysages de la côte, générant de multiples évolutions dont certaines font craindre, si elles ne sont pas encadrées, de voir se gâcher le patrimoine paysager à l’origine de tout un secteur de l’économie.
Le développement très important des établissements hôteliers, des campings et caravanings, des commerces, des ports de plaisance et des mouillages, s’accompagne de son lot d’infrastructures pour venir bouleverser un paysage encore très agricole à la fin du XIX° siècle.
Un des effets les plus marquants du phénomène est celui du développement urbain, puisque l’essentiel des nuitées (les deux tiers) est accueilli en résidence secondaire, et que les retraités sont nombreux à venir s’installer à demeure sur les lieux de leurs vacances d’actifs.
Plus récemment, se développe le phénomène consistant à choisir de vivre dans un paysage de « vacances », même on travaillant loin, soit au prix de longs trajets, soit en choisissant le télétravail, ou en créant une entreprise localement. Ainsi, les régions côtières, et notamment le Morbihan, font l’objet d’une très forte pression foncière et les terres se sont singulièrement urbanisées, au risque de banaliser l’intérêt initial des paysages eux-mêmes à l’origine du développement.
Un phénomène alarmant consiste dans l’abandon des terres cultivées : l’agriculture est soumise aux aléas impitoyables des marchés, et se trouve en compétition avec la valorisation immobilière. Certains propriétaires non exploitants préfèrent laisser certaines terres non exploitées (phénomène de la "rétention"). Les sites côtiers se trouvent ainsi souvent privés de la richesse que donne aux paysages l’enchaînement des horizons marins naturels et des composantes de la campagne cultivée.
L’évolution du nombre de logements traduit l’opposition entre l’Armor, où la plupart des communes affichent une croissance de plus de 50 % depuis 1982, et le reste du département. Le plateau de Guémené-Gourin apparaît ici en stabilité, alors que le reste de l’Argoat a connu une croissance, plutôt modérée en dehors des pôles de Pontivy et Ploërmel.
Cette différence d’attractivité est également reflétée par la proportion de logements vacants, quasi nulle dans certaines communes littorales, mais qui dépasse 10 % dans une trentaine de communes, toutes situées au nord des reliefs de Lanvaux.
La vocation touristique du département se lit aussi au travers du parc très important de résidences secondaires (19,5 % du parc de logement total, 25 % si on y ajoute les logements de vacances) [3]. Mais le tourisme balnéaire n’est pas la seule forme d’évolution du parc de logements. Car, si les résidences secondaires sont nombreuses sur l’ensemble du littoral, leur proportion est également élevée dans la partie est des reliefs de Lanvaux, aux environs de Guilliers sur le plateau de Pontivy-Loudéac et, surtout, près des Montagnes Noires et du plateau de Guémené-Gourin où la proportion de ces logements occasionnels a crû de manière marquée dans les dernières décennies.
A contrario, l’évolution est plus contrastée dans les plaines comprises entre les monts de Lanvaux et la côte ainsi que sur la frange est du département, secteurs où l’influence touristique est en concurrence avec les autres activités.
Ainsi, face aux tendances lourdes du littoral caractérisées par de nombreuses constructions récentes, la réaffectation de constructions plus anciennes dans les pays de l’intérieur, susceptible de favoriser d’autres évolutions - conservation et restauration de certains bâtiments par exemple - est aussi à prendre en compte. Ces pratiques dénotent un intérêt pour les paysages agro-naturels, où pourraient se développer des formes nouvelles de tourisme. Elles sont toutefois peu perceptibles, du fait des "maisons blanches" récentes ou des bâtiments agro-industriels particulièrement visibles.
Qu’ils soient occupés par des tentes, des caravanes ou, de plus en plus, par des mobile-homes ou des cabanes, les terrains de campings (250 terrains et 30 000 emplacements) [4] et leurs particularités “architecturales” peuvent occuper des surfaces importantes dans les secteurs touristiques. Toutes les stations littorales disposent d’un ou plusieurs campings avec des capacités qui dépassent fréquemment le milliers de places par commune. De sorte que, contrairement aux autres modes d’hébergement, les terrains de camping présentent une répartition assez homogène le long de la côte.
Au total, si l’influence du tourisme sur les paysages du Morbihan apparaît très inégale, occupant toutes les gradations du zéro à l’infini, certains sites de la côte semblent désormais entièrement consacrés à cette activité : réseau routier, implantation des centres commerciaux, restaurants et autres lieux de consommation viennent alors structurer un espace particulièrement typé pour résidents occasionnels.
Principalement liés aux activités touristiques, le nombre et la répartition des hôtels reflètent le niveau d’attractivité. Plus précisément, hors des centres urbains, une offre hôtelière abondante est un indicateur de haute attractivité touristique. A la différence des autres modes d’hébergement (campings, résidences secondaires ou touristiques), l’offre hôtelière se concentre en effet dans les lieux bien identifiés par une clientèle qui privilégie les destinations les plus connues, les sites les plus emblématiques.
Les fonctions à la fois urbaines et touristiques de Vannes ou Lorient se traduisent logiquement par des capacités d’accueil importantes. A l’inverse, à Belle-Île, Quiberon et Carnac, les sites ou le patrimoine suffisent à expliquer des capacités d’hébergement comparables (plus de 500 chambres) en dépit d’un faible nombre d’habitants.
En dehors de la côte, les capacités apparaissent beaucoup plus limitées : seulement 5 hôtels à Pontivy ou Ploërmel, encore moins à Josselin, Lanouée ou Le Faouët, presque rien ailleurs y compris dans des lieux qui connaissent une réelle fréquentation (Rochefort-en-Terre, Malansac)... mais pour quelques heures seulement.
Ce contraste de l’offre hôtelière reflète et renforce celui des représentations culturelles.
Fortement construite, la côte est cependant relativement peu "urbaine" le long de la ligne de rivage, avec une densité somme toute limitée en front de mer. Il s’ensuit une grande diversité de types d’accès à la côte et plus particulièrement aux plages.
La route côtière est le plus souvent en retrait et assez loin du rivage du fait de la forme découpée de la côte. Parkings construits ou stationnements le long des accès encombrent assez peu l’espace. A cet égard, et à l’exception de certains sites, l’étalement urbain et les faibles densités construites alliées à l’extrême découpage de la côte facilitent la répartition des vacanciers et de leurs véhicules. En revanche, l’espace situé en arrière des plages ou des falaises est souvent traversé par un nombre très important de chemins qui trahit, dans un réseau parfois confus, l’importante fréquentation des bords de mer.
Les paysages côtiers sont également perçus et pratiqués en bateau, qu’il s’agisse du yachting ou de la « promenade en bateau », une pratique très adaptée à la forme particulière du golfe du Morbihan ou à la traversée vers les îles particulièrement motivantes pour le tourisme en raison de leur capacité à se démarquer du quotidien et du banal. Le sinagot, régulièrement associé aux paysages du Golfe, participe à sa typicité. Le nautisme a aussi généré d’importants bouleversements des paysages, en multipliant les ports de plaisance et les zones de mouillage au risque de recouvrir la vision du plan d’eau.
Avec 21 ports correspondant à un peu plus de 40 sites aménagés, le Morbihan était en 2008 le 4e département français le plus équipé (le 7e en capacité avec un peu moins de 9000 places) [5]. Ces infrastructures, quais et pontons souvent saturés, parkings et autres espaces ou constructions de services souvent sous-utilisés prennent une part importante du champ visuel sur le littoral. Les aménagements et les bateaux qu’ils abritent forment parfois des ensembles assez compacts qui ponctuent le trait de côte (photo aérienne du port de Saint-Jacques ci-dessous). Ils peuvent aussi s’insérer dans l’espace urbain en profitant d’une ria (Vannes), créer la surprise en signalant le lien à la mer de certains espaces éloignés de la côte (La Roche-Bernard).
Dans les rias et les mers intérieures, les aires de mouillage (17 000 places, soit environ 2 fois plus que les places dans les ports) [6] et les stationnements sur corps morts se relient visuellement, faisant apparaître la navigation de plaisance et ses installations comme une composante majeure du paysage, parfois amplifiée, certains jours d’été, par un trafic assez intense sur les plans d’eau (Rivière d’Auray).
Comme partout en France, la demande d’anneaux dépasse l’offre et des augmentations de capacités sont encore d’actualité, particulièrement vers l’ouest du département (Guidel, Port-Louis, Gâvres).
[1] "Profils et tendances du tourisme dans le Morbihan", CCIM, 2008.
[2] "Profils et tendances du tourisme dans le Morbihan", CCIM, 2008.
[3] Source : Insee, 2006
[4] Source Insee, 2009
[5] Données de la Direction des affaires maritimes de 2008
[6] Source : 2008, Chambre de Commerce et d’Industrie du Morbihan, "Profils et tendances du tourisme dans le Morbihan"