Une forte opposition entre côte « sauvage » à l’ouest et côte urbanisée à l’est
Cette unité appartient à l’ensemble de paysages de l’Armor morbihannais
Il s’agit d’un très haut lieu touristique, sur-fréquenté en période estivale, un paysage magnifique très fortement lié aux vacances, avec ses nombreuses plages, ses équipements touristiques, sa côte sauvage et le départ pour les îles. Les images innombrables se concentrent sur le linéaire côtier, tandis que l’intérieur de la presqu’île est moins visible et valorisé, sujet à un réel abandon agricole et où l’étalement urbain est conséquent.
Ancienne île désormais rattachée au continent par un isthme très étroit (à peine 100 m au moins large), la presqu’île est délimitée par ses rivages. L’isthme, commandé par le fort de Penthièvre, en forme la « porte » nettement lisible.
Avec ses trois faces, la presqu’île s’adresse à trois « unités de plans d’eau », qu’elle partage avec d’autres unités de paysage : À l’ouest, la côte sauvage regarde l’océan du côté de Groix et de Lorient. La côte rocheuse succède brusquement à la longue langue de sable du massif dunaire de Gâvres à Plouharnel dont l’isthme forme l’extrémité sud.
À l’est, la côte des plages partage avec la côte des mégalithes la vision d’un plan d’eau plus fermé : la baie de Quiberon.
Au sud, le port même de Quiberon et sa grande plage s’adressent directement à l’Atlantique, dont l’horizon est occupé par Belle-Ile, que l’on atteint en 45 minutes de bateau.
La presqu’île mesure en moyenne 2 km de large, pour environ 12 km de long. Ces dimensions continuent d’évoluer relativement rapidement sous les fortes contraintes naturelles érosives (mer, vent), qui déplacent d’importantes masses de sédiments (sables), et sans doute dans les prochaines décennies, de l’élévation du niveau de la mer. Au nord, Plouharnel est la "commune seuil" de la presqu’île, passage obligatoire par l’unique RD 768, jusqu’à Quiberon.
Relief : un plateau dans la mer
Le sol de la presqu’île est presque plan. Une ligne de crête située à une altitude maximale de 33 m parcourt le centre de l’unité, les reliefs descendent doucement vers la côte ouest, tandis que la "côte sauvage" présente à l’océan des falaises escarpées et abruptes déchirées par les éléments.
Quelques rus coulent d’ouest en est, alimentent des marais qui ont un impact majeur en terme de paysage puisqu’ils occasionnent des coupures franches de l’urbanisation (entre Petit-Rohu et Saint-Julien). Ils n’occasionnent cependant pas de profondes échancrures dans l’épaisseur du plateau (contrairement aux vallons de Belle-Ile).
Structures paysagères : deux facies côtiers distincts
Les formes très contrastées des côtes ouest (ou côte Sauvage) et est s’accompagnent de structures paysagères elles-mêmes fort différentes, dont les oppositions dessinent la personnalité de la presqu’île.
La côte sauvage : la splendeur d’un paysage naturel « sublime »
De fortes contraintes naturelles (vent, relief, érosion), ont créé ce paysage de côte rocheuse, escarpée, déchiquetée, et ont sculpté des criques, anses et grottes, motifs « emblématiques » d’une côte symbolisée par l’image "identitaire" de la Roche percée. Alors que le Morbihan est dans son ensemble marqué par de subtils effets d’estrans, de recouvrements, de passages délicats entre la mer et la terre, la brutalité « sublime » de la côte sauvage fait (avec les côtes de Belle-Ile) exception.
Un fort sentiment d’abandon des terres se ressent sur la frange Ouest de l’île où se lisent, entre les masses de fougères, les traces d’un ancien parcellaire souligné de murets de pierres sèches. Le vent ne permet pas en effet la croissance des arbres, et on ne trouve pas de bocage dans de telles conditions.
Les habitations se tiennent à l’écart de la côte et du déchaînement des vents d’ouest : les hameaux traditionnels comme Kerniscob restent en retrait (environ 500 m du trait de côte) et sont de forme compacte.
La côte sauvage propose une des promenades les plus emblématiques du Morbihan. Les itinéraires de GR, les suggestions de circuit à vélo, ne peuvent passer à côté. Actuellement la RD 186 longe la côte, y donne accès, mais impose également à un paysage naturel somptueux son ambiance routière, ses parkings, son trafic, d’autant qu’elle sert de délestage à la RD 768 très encombrée pendant la saison touristique.
La côte habitée : un paysage touristique
Abritée des vents, la côte est davantage soulignée par des plages de sable. Le long de la côte, plusieurs sites présentent des façades urbaines donnant sur le rivage dans des organisations de port (Port Maria et Port Haliguen à Quiberon) ou de stations balnéaires (Port d’Orange de Saint-Pierre-Quiberon). L’architecture du trait de côte est spécifique. Plus haute, plus dense, elle affirme un véritable front urbain face à la mer. C’est là que se concentrent les commerces, l’activité hôtelière et les promenades sur les quais et autour des zones de mouillage.
Sous la nette influence du tourisme, l’urbanisation côtière à l’est compose un front de mer quasiment continu depuis Kerhostin jusqu’à Quiberon. Cet ensemble est interrompu par deux fois entre Kerhostin et Saint-Pierre-Quiberon, puis entre Saint-Pierre-Quiberon et Quiberon (interruption identifiée au Scot du Pays d’Auray, 2009).
Ces coupures d’urbanisation sont essentielles pour le maintien d’une lisibilité des villes et de leurs sites, et dans l’enchaînement des paysages du littoral aux espaces cultivés. On trouve également de très nombreux campings aux abords de ces « poches » non urbanisées, ainsi qu’à proximité de l’aérodrome et du centre de thalassothérapie, sur la pointe sud-est.
Au centre de l’île : une longue ambiance d’entrée de ville
La RD 768 est l’essentielle voie de desserte des zones urbaines, longée par la voie de chemin de fer. Elle est très fréquentée durant la saison estivale, souvent embouteillée, accompagnée par un important dispositif de commerces touristiques. Son aspect rectiligne contraste avec le paysage plus complexe qu’elle longe, celui d’une côte découpée aux subtils enchaînements entre l’estran et les terres. C’est aussi un itinéraire de découverte de la presqu’île qui occasionne des points de vue vers la mer et vers l’intérieur des terres, au contact direct des espaces naturels et cultivés.
En arrière du trait de côte, un étalement pavillonnaire important, dominé par les résidences secondaires, forme un tissu complexe, peu structuré le long des axes circulants. Il a absorbé quelques hameaux, des secteurs d’activité et présente un front « arrière » incertain, mobile, aux terres de la partie ouest de la presqu’île. La structuration et la banalité des espaces ne correspondent pas avec le cadre magistral du paysage naturel, alors même que la RD 768 constitue un point de vue très fréquenté du territoire.
Patrimoine et petit patrimoine
De nombreux vestiges mégalithiques sont encore visibles sur la presqu’île et il existe un important patrimoine vernaculaire (lavoirs, fontaines, murets délimitant les parcelles agricoles et accompagnant les sentiers). Lié à l’abandon des terres, ce patrimoine renforce l’idée d’une société d’agriculture et de pêche disparues dont le paysage garderait quelques traces au sein d’un territoire remodelé par l’économie touristique et résidentielle.
Perception, valeurs et sensibilités : un paysage naturel monumental
La presqu’île bénéficie de la présence extraordinaire de la nature, en particulier la côte sauvage, restée naturelle du fait de la force même des éléments. Ce capital paysager commun appelle une mise en valeur amorcée par l’Opération Grand Site, et qui peut se poursuivre par la valorisation des enchaînements paysagers, des bords urbains, et la qualité de la promenade de la côte sauvage
Une attractivité touristique et résidentielle majeure
La presqu’île accueille de très nombreux visiteurs en été et dispose d’une grande capacité d’accueil hôtelier. La grande beauté du site exerce une forte pression pour le développement urbain résidentiel. A titre d’exemple, le taux de régression de la Surface agricole utile (SAU) de la presqu’île figure parmi les plus élevés du département (15% entre 1988 et 2000 ; source : DDAF). Le différence actuelle entre espaces bâtis et non bâtis constitue un seuil à ne pas dépasser pour conserver un sentiment de nature et la qualité de l’environnement et des paysages. Parallèlement, la réputation touristique du site appelle l’excellence paysagère : le tourisme repose en effet sur la qualité des sites et des usages de promenades qui peuvent y être proposés. Un équilibre est ainsi à trouver désormais entre la valorisation du site naturel et les développements qu’il a suscités.
Une agriculture en déclin
La diminution de l’activité agricole, du fait de la pression foncière et de la déprise, est ressentie à l’arrière des agglomérations de la côte où les zones de friches prennent de plus en plus d’importance. Elles entraînent progressivement la fermeture du paysage et diminuent rapidement les bonnes conditions de visibilité, les vues lointaines. Le territoire peut apparaître ainsi sans usages, disponible à l’étalement urbain.
Favoriser le maintien ou le renouveau de l’agriculture
Dans la mesure du possible, en s’appuyant sur un réseau d’exploitants et sur les possibilités de circuits courts connectés au tourisme, il est peut-être envisageable de retrouver une vocation agricole aux terres aujourd’hui délaissées de la partie ouest de l’île. Le pâturage peut représenter une option intéressante, tant du point de vue environnemental (prairies ouvertes) que paysager (présence des animaux, justification des murets de clôture...). La qualité globale du paysage de la presqu’île serait dans l’absolu renforcée si des possibilités s’ouvraient sur ce front.
Inscrire la qualité des enchaînements de paysages dans le territoire
La continuité entre la terre et la mer est une grande valeur esthétique des paysages côtiers. Lorsque le regard est capable d’unir les espaces cultivés à l’estran, sans qu’il soit arrêté brutalement par la frontalité des zones bâties et leur second plan de conifères, des perspectives sont possibles et le paysage devient lisible. Les espaces naturels et cultivés occupent majoritairement la partie ouest de la presqu’île. Ils forment un grand ensemble d’espaces ouverts du Nord-Sud et au sein duquel sont dispersés plusieurs hameaux "traditionnels". Dans le sens est-ouest, des continuités existent, définies par l’absence d’urbanisation. Une de ces continuités d’espaces naturels et cultivés est-ouest est identifiée au SCOT du Pays d’Auray. Elle est définie par l’interruption d’urbanisation entre Quiberon et Saint-Pierre-Quiberon, et traverse la presqu’île d’est en ouest. Actuellement le réseau de cheminement est incomplet dans cette zone et doublement occulté par la RD 768 et la voie ferrée.
Il est possible de conforter et de valoriser ces continuités paysagères : en y inscrivant des parcours permettant, notamment lors des promenades, de « ressentir » l’unité paysagère de la presqu’île entre les côtes est et ouest ;
en valorisant les éléments paysagers (marais), le patrimoine (murets) dans les ambiances ;
en traitant avec soin les limites urbaines donnant sur ces continuités ;
en traitant également le paysage des campings qui y sont associés.
Approfondir le projet urbain en intelligence avec le paysage
Les bords de la zone urbaine donnant sur les paysages de l’ouest ressemblent aujourd’hui à des arrières, alors même qu’ils peuvent constituer une façade urbaine de grande qualité. Un réseau d’espaces publics et de promenades doit être complété, pour utilement souligner l’articulation urbaine avec les secteurs naturels. La banalisation induite par l’habitat pavillonnaire nuit au caractère exceptionnel de la presqu’île. Il appelle une architecture plus diversifiée et surtout plus directement inspirée par les lieux. Il en est de même à l’occasion d’éventuelles reconstructions des séquences bâties de la côte.
Délester un réseau de transports routiers saturé
Les capacités du réseau routier sont limitées, les développements de la presqu’île et l’activité du port engendrent une circulation très tendue en saison que déleste un peu la ligne de train « tire-bouchon ». L’ambiance de la presqu’île est cependant fortement marquée par les difficultés de circulation en été. Ces conditions peuvent être améliorées dans l’hypothèse d’un développement de transports collectifs routiers et ferroviaires.
Mieux intégrer les zones de camping
Pour cela, il faut reconsidérer : le rôle des arbres, capables d’abriter, de "climatiser" et d’intégrer visuellement les dispositifs dans leur environnement ;
le maintien d’une bande libre au contact direct de la côte, voire de perspectives ouvertes vers l’intérieur du camping offrant un lien à la mer même dans l’épaisseur de l’établissement ;
le maintien du caractère éphémère des établissements ;
dans le cas d’installations pérennes, celles-ci sont à considérer comme des secteurs urbanisés et à traiter comme tels.
Renforcer la présence sensible du socle naturel
L’isthme
Un travail de type « grand site » permettrait à l’isthme de retrouver son caractère de motif naturel et de renforcer l’originalité que procure au territoire une porte aussi nette.
Le grand site de la côte sauvage
Dans le cadre de la sauvegarde des espaces naturels, le Conservatoire du littoral, les communes de Saint-Pierre-Quiberon et de Quiberon, les services de l’État et le Conseil général du Morbihan mettent en commun un programme de protection de la "Côte Sauvage". Le syndicat mixte Grand Site Gâvres-Quiberon met en œuvre l’opération nationale. Les objectifs retenus, destinés à restituer au site son caractère naturel et sauvage, concernent le ralentissement de l’érosion dûe aux facteurs climatiques et aux piétinements humains, la sauvegarde de différentes espèces végétales dont certaines sont en voie de disparition, la protection des oiseaux marins qui migrent ou nidifient sur ces côtes. Le programme pourrait se poursuivre, en particulier par le traitement de la promenade. Dans l’hypothèse d’un renforcement des transports collectifs et de la desserte en voie ferrée délestant le trafic routier (voir schéma), il devient possible d’envisager un chemin côtier réservé, sur le tracé de la RD 168a, aux liaisons douces, notamment aux promenades à vélo très prisées par les touristes et auxquelles la presqu’île offre un cadre idéal. Dans cette hypothèse, le piétinement concentré sur la voie ménage les espaces situés à proximité des falaises qui peuvent se re-naturer, et la sensation globale d’espace naturel s’en trouve singulièrement renforcée.