Atlas des paysages du Morbihan

Accueil > COMPRENDRE LES PAYSAGES DU MORBIHAN > Les conditions des paysages > Des entités paysagères locales difficiles à appréhender

Des entités paysagères locales difficiles à appréhender

La mosaïque des paysages du Morbihan relève d’une organisation peu perceptible


 Des composantes en ordre dispersé
et de multiples découpages


Pour une grande part du territoire Morbihannais (à l’exception des plateaux cultivés), l’organisation des éléments (reliefs, cours d’eau, motifs boisés, bâti, routes…) ne se laisse pas guider par un ordre établi. La répartition de chaque composante est relativement imprévisible.
Il en résulte des paysages en ordre dispersé, très vivants car changeant à chaque pas, pleins de surprises et de découvertes, souvent de dimensions restreintes, assez intimes.
L’impression laissée au visiteur est celle d’un paysage qu’il faut aller découvrir, par chacune des petites unités qui le composent, et qui ne se laisse pas identifier d’un simple et rapide coup d’œil, dans la mesure où il présente rarement de vision large, mais appelle une approche progressive, nécessairement par le parcours.

JPEG - 470.8 ko
Chapelle de Saint-Bily
Entre Plaudren et Trédion, vue prise du côté nord : la chapelle et le monument aux morts en forme de mégalithe s’appuient contre une haie bocagère, percée d’une petite ouverture qui permet de percevoir la parcelle de prairie située derrière elle. Le regard bute très rapidement sur une deuxième haie, à moins que ce soit la lisière d’un bois.
JPEG - 414.3 ko
Chapelle de Saint-Bily
Depuis exactement le même point de vue, mais du côté sud de la route, les parcelles lumineuses de prairie alternent avec les haies de bocage, le regard étant très rapidement arrêté par un front boisé. Au centre, une petite fontaine votive marque la présence de l’eau.

 La relation complexe entre paysages et géologie [1]

Les reliefs, qu’il s’agisse des crêtes et sillons de Lanvaux ou des gaufrages sculptés par le ruissellement, notamment sur le plateau de la Cornouaille intérieure, découpent le territoire en unités innombrables. Mais contrairement à leur rôle bien lisible à l’échelle départementale dû à l’effet structurant du cisaillement sud-armoricain, leur organisation est beaucoup plus insaisissable à l’échelle des paysages locaux, lorsqu’ils sont perçus de l’intérieur, au sol, notamment en raison de caractères géologiques particuliers.

A force d’érosion, le massif armoricain n’était plus qu’une surface plane peu différenciée où tous les terrains se trouvaient à peu près au même niveau que la mer lorsqu’il reprit suffisamment d’altitude pour enclencher un nouveau cycle d’érosion. Celui-ci va sculpter de nouveaux reliefs en tirant parti des différences de résistance des roches. Cette évolution particulière en deux étapes a des conséquences morphologiques différentes selon la disposition des roches présentes. Dans les secteurs où les substrats sont disposés en alignements, consécutifs à des failles ou plissements anciens, l’érosion différentielle tend à révéler ces alignements. Le processus est alors proche de celui des reliefs Appalachiens. Les formes linéaires qui en résultent, alternance de crêtes et de sillons, sont assez nettes à l’échelle du département.
En revanche, sur les terrains homogènes situés à l’écart des zones de fractures ou de plissements, le réseau des vallées se ramifie sans contraintes, donnant cet effet de gaufrage répétitif sur les plateaux. Les différences de nature des roches n’ont alors que des conséquences limitées du point de vue du paysage sensible : différences de résistance qui se traduisent par des écarts d’altitude moyenne des plateaux, différences de perméabilité qui influencent la densité du réseau hydrographique.

JPEG - 584.8 ko
Carte géologique

La mise en relief de la carte géologique permet de préciser ces variations morphologiques. Les roches qui ont le mieux résisté lors des dernières phases d’érosion différentielle sont des schistes ardoisiers, les grès armoricains, les conglomérats briovériens de la périphérie des montagnes Noires et certains granites ou granito-gneiss. A peu près tous les secteurs dominants du département sont constitués de ces roches. A l’opposé, les schistes et arkoses de Bains / Oust, la plupart des micaschistes, gneiss, migmatites et orthogneiss se sont mieux prêtés à une érosion qui ne les fait plus affleurer que dans les vallées ou les dépressions, le fond des vallées littorales, le Golfe.

Entre les deux, les schistes briovériens ou métamorphiques, les mylonites forment des reliefs plus variables en fonction des contextes.

Certaines roches déterminent des sols ou des reliefs qui contrastent avec les substrats voisins : granito-gneiss des monts de Lanvaux dominant avec régularité les schistes et arkoses sédimentaires de Bains / Oust, leucogranites du plateau de Plumelec, grès armoricains des Monts de Caro, de la forêt de Paimpont, des montagnes Noires, des monts de Sérent et des rides de l’Arz. Certaines relations sont plus ténues : dépressions schisteuses du Staer-Laer et de Lignol, plateaux briovériens de Naizin et de Ploërmel.

Mais parfois ni la morphologie, ni l’action humaine ne se sont laissé guider par la nature du sous-sol. Ainsi, à l’ouest des sillons de Lanvaux, le Blavet, le Scorff, la Laïta et certains affluents, profitant sans doute d’une tectonique locale favorable, imposent leur empreinte à des structures géologiques qui ne maîtrisent plus l’organisation de l’espace. A l’extrémité est, l’Aff, l’Oust et la Vilaine reproduisent à leur manière ce schéma, amplifiant même l’alternance entre passages étroits dans les cluses et étalements dans les roches tendres par la constitution de plaines alluviales.

JPEG - 1.2 Mo
Carte du relief
Aux alentours de Colpo, les plissements de Lanvaux accueillent des rivières coulant soit vers la Vilaine, soit vers l’ouest.

Si l’étude du relief conduit rapidement à évoquer quelques uns des grands événements géologiques du massif Armoricain, il semble cependant que la géologie du Morbihan organise les paysages plus qu’elle ne les façonne. Car les structures et la lithologie sont en réalité d’une complexité qui ne livre pas facilement les clés du paysage. Cette particularité repose sur plusieurs constats, parfois paradoxaux [2] :

- Les formes structurales sont rares ou indécelables car parfois des déformations secondaires peuvent intervenir.

- La référence au relief appalachien renvoie bien à certains traits : linéarité, érosion différentielle, existence des cluses, mais il s’agit ici d’un modèle très atténué (aux États-Unis, les monts Appalaches atteignent quand même 2000 m).

- Les ondulations qui déforment les plaines et plateaux peuvent avoir des causes différentes (montées magmatiques localisées, légères variations de caractéristiques lithologiques, inclusions granitiques dans les gneiss, formes d’érosion banales) et pourtant assez imperceptibles.

- L’image populaire du socle cristallin et de la montagne ancienne est en partie contredite par le fait que ce sont les formations sédimentaires (grès notamment) qui forment les plus hauts reliefs, et que les formes visibles sont en réalité plutôt récentes. [3]

- La composition, la résistance et la répartition des granites sont si variées qu’ils peuvent aussi bien apparaître en position élevée près des montagnes Noires que former le sous-sol de la majeure partie de la dépression littorale.

- Ce qui apparaît homogène sur la carte géologique, y compris sur les cartes au 1/50 000 peut ne pas l’être sur le terrain.

La relation entre la géographie des paysages du Morbihan et la lithologie est donc inégale et difficile à résumer. Forte dans certains secteurs, cette relation est atténuée, voire difficilement perceptible dans d’autres où le paysage semble peu sensible aux différences de compositions des roches.

 La trame irrégulière des haies, landes et boisements [4]


D’autres causes rendent difficile le découpage du territoire en unités de paysages. Car à la trame déjà complexe des reliefs, la végétation ajoute un degré supérieur de divisions.

Par son niveau de généralisation, la base européenne Corine Land Cover donne une première idée de la distribution des surfaces boisées, surfaces en herbes, grandes cultures, parcellaires complexes, marais, secteurs urbanisés.

JPEG - 614.2 ko
Occupation du sol
Un territoire complexe et quelques grands secteurs

A la lecture de la carte d’occupation du sol, quelques grands secteurs se distinguent :
- Le nord-est du département forme un premier ensemble par l’importance des surfaces affectées aux cultures, peu boisées à l’exception de massifs forestiers assez compacts et individualisés (Forêts de Lanouée et de Paimpont).

- Au nord-ouest, sous les montagnes Noires, un secteur plus restreint, mais encore bien identifiable, où dominent des cultures sur un parcellaire complexe et où les boisements s’intercalent plus fréquemment.

- Au sud-ouest, du littoral de Lorient jusqu’à Pontivy, avec une extension vers le centre-est (entre Locminé et Ploërmel), une mosaïque changeante, où tous les types d’occupation du sol semblent alterner de manière rapprochée sans jamais s’imposer.

- Au sud-est, la partie littorale se distingue de l’ensemble précédent par une moindre imbrication des surfaces et par des boisements moins importants.

- La partie centrale, comprise entre Camors et Redon fait nettement apparaître une organisation linéaire de l’espace selon un axe plus ou moins parallèle à la côte.

- Enfin, l’urbanisation prend sur le littoral une part importante, plus particulièrement avec les agglomérations de Lorient et de Vannes alors que l’emprise des villes est modeste sur le reste du département.

Mais à l’échelle locale, c’est avant tout la diversité qui apparaît avec, dans cette mosaïque, un rôle particulier dévolu aux arbres.

Le territoire est en effet couvert par une résille de motifs boisés dont la répartition vis-à-vis des reliefs ne semble pas obéir à un ordre identifiable.
A l’exception de la structure de hauteurs boisées reconnaissable aux frontières du département (montagnes Noires, Quénécan, Brocéliande) ainsi que le long des crêtes des Landes de Lanvaux,
les boisements se montrent aussi multiples dans leurs compositions (feuillus, conifères, saules, friches élevées…) que dans leurs positions (sommets, coteaux, fonds de vallée…).

Une forêt plutôt récente dans sa forme actuelle
La forêt morbihannaise a subi des variations historiques assez radicales : disparition progressive de la forêt primaire depuis le néolithique jusqu’au XIXe siècle ; extension des landes puis reboisements, surtout au XXe siècle ; création de haies, puis destruction, puis protection, voire replantation et densification ; plantations des espaces résidentiels…

JPEG - 414.3 ko
Présence de l’arbre

Motif relativement omniprésent dans le Morbihan, l’arbre s’y trouve le plus souvent groupé en bosquets ou en boisements de moyenne importance. Les formations linéaires (ripisylves, haies) et les arbres isolés sont également nombreux.

JPEG - 405.7 ko
Une forêt le plus souvent morcelée, où les boisements laissent apparaître des interstices de prairies, cultures ou landes

La densité de ces différentes formes de boisements non constitués en massifs est assez remarquable à l’ouest du département alors qu’à l’est, les formations plus massives alternent avec des espaces non boisés.

JPEG - 371.2 ko
Carte des peuplements forestiers
Les conifères sont surtout présents là où les landes étaient importantes (Landes de Lanvaux) alors que le nord-ouest bocager reste dominé par les feuillus.

A l’exception de la forêt de Lanouée, les massifs actuels sont caractérisés par une relative hétérogénéité des formations. A Quénécan, Paimpont, dans les Monts de Lanvaux, à Pont-Callec, sur les Montagnes Noires ou parmi les bois de Trémelin, landes et formations arbustives occupent encore une part importante des surfaces.

JPEG - 555.8 ko
Plantation de conifères sur les formations gréseuses de rebords de la forêt de Paimpont
On trouve principalement ces formations, volontairement substituées aux landes, sur ces massifs comme sur les reliefs de Lanvaux
JPEG - 592.5 ko
Évolution d’une lande abandonnée vers la forêt (entre Campénéac et Trécesson)
Lorsque les conditions de sol le permettent, les landes non parcourues peuvent retourner naturellement vers une formation forestière
JPEG - 700.2 ko
Boisement mêlé de feuillus et de résineux vers Plaudren (Saint-Bily)
L’ambiance du sous-bois, ouvert et riche en espèces buissonnantes, est encore imprégnée par les anciennes landes

Les plantations de conifères, qui n’existaient pratiquement pas dans la forêt primaire ont été introduites progressivement, surtout à partir du XIXe siècle [5]. Elles occupent aujourd’hui une part importante dans le sud et l’est du département, et sont majoritaires dans la partie est des massifs de Lanvaux et parmi les boisements de la zone littorale, entre Lorient et le golfe du Morbihan.

Les peupleraies sont assez rares, absentes des zones côtières et sublittorales, en petites taches assez réparties ailleurs.

Le bocage partout et nulle part
Il faut ajouter aux boisements les haies bocagères et les vergers dont l’image accompagne traditionnellement l’idée des paysages de l’Ouest. Il est difficile d’identifier clairement, cependant, de véritables secteurs strictement bocagers : la couverture est très inégale, le maillage plus ou moins lacunaire, et se mêle surtout aux multiples formes boisées pour inscrire, dans le paysage, une présence arborée permanente, mais aux motifs très variables.

JPEG - 1.4 Mo
Motifs arborés à l’est de Kerguzul sur la RD1 (commune de Plouray)
Plusieurs éléments boisés se présentent en plans visuels successifs : un groupe de saules lié à la présence de l’eau, puis une parcelle de conifères, plus opaque, que l’on associerait plus volontiers à des situations de montagne...

Car, quelle distance doit séparer les haies pour qu’il y ait ou non bocage ? quel réseau doivent-elles former ?

JPEG - 538.3 ko
Bocage dense - Ouest du Faouët (BDOrtho 2004)
JPEG - 1.4 Mo
Exemple de bocage dense à Lambézégan (commune de Languidic)
L’absence de taille des arbres dont les frondaisons recouvrent une partie importante des parcelles exigües contribue à créer un paysage fermé
JPEG - 780.4 ko
L’abandon de certaines parcelles trop petites, l’épaississement des haies finissent par faire basculer le bocage vers la forêt

Les plateaux du nord-ouest du département présentent sur quelques centaines de km2 une densité de haies assez exceptionnelle encadrant des petites parcelles de 1 à 5 ha environ. Les haies peuvent y être localement absentes, des parcelles sont parfois regroupées, d’autres ont été boisées… Mais malgré ces variations, le bocage semble ici être une composante forte du territoire.

JPEG - 519.7 ko
Bocage atténué - Entre la Trinité-Surzur et Muzillac (BDOrtho 2004)
JPEG - 879.6 ko
Dans cette vallée, la maille bocagère encore régulière cède la place sur les hauteurs à un continuum boisé

Le sud-est du département présente également d’assez grandes étendues de bocage mais celui-ci paraît atténué, moins dense, avec des parcelles généralement plus grandes, des haies parfois interrompues, des boisements moins nombreux qui ne semblent pas conquérir l’espace rural.

JPEG - 533.8 ko
Bocage périurbain - Nord de Lorient (BDOrtho 2004)
JPEG - 433.3 ko
A Coet Bihan (entre Questembert et Limerzel)
La maille bocagère large forme un paysage ouvert où les cultures occupent des surfaces plus importantes
JPEG - 309.5 ko
Près de la RD2, à l’ouest de Mauron
Quelques haies nouvelles pour un bocage large reconstitué

Plus près de Lorient, dans un espace également marqué par la proximité des sites urbains, les parcelles boisées alternent avec les cultures dans une sorte de mosaïque où les haies sont presque absentes. Ce n’est donc plus vraiment un bocage, plutôt une sorte de campagne boisée de la périphérie urbaine.

JPEG - 431.8 ko
(Presque) sans bocage - Entre Guégon et Buléon (BDOrtho 2004)

Sur les plateaux du nord-ouest du département, les parcelles de l’ordre de 10 ou 20 ha ont parfois pris des formes géométriques disciplinées. Il n’y a plus de bocage et pourtant, les linéaires boisés sont encore nombreux le long des cours d’eau, quelques haies subsistent.

JPEG - 386.1 ko
Carte du bocage
La carte localise uniquement le bocage identifié par une densité et une continuité du réseau de haie. Très présent au sud et à l’ouest, il est pratiquement absent sur les plateaux agricoles du nord et de l’est du département

Entre ces différents types, des situations intermédiaires apparaissent : bocage résiduel encore constitué des plaines littorales entre le Blavet et le Golfe du Morbihan, bocages quasi résidentiels où les haies encadrent des parcelles construites, bocages des marges forestières où s’effectue un passage progressif de la forêt à l’espace agricole.
Presque partout, l’empreinte différentielle du bocage est donc un élément important des paysages du département et, en même temps, cette différenciation semble assez peu liée aux conditions du milieu.

Les masses et les lignes arborées dessinent en creux les espaces de culture et de pâture, qui sont aussi les dégagements visuels par lesquels l’observateur est en mesure de percevoir un pays, de voir des paysages. Leurs positions, leurs dimensions, sont aussi variées que les composantes précédentes, contribuant à l’animation générale.

JPEG - 429.6 ko
Le château de Trédion
L’environnement très boisé du château occasionne des vues dans lesquelles le paysage paraît protéger le site des regards. Il s’en dégage une ambiance d’intimité, reculée, sans grandiloquence.

Une influence sur la visibilité et la fermeture des paysages
La perception des territoires est conditionnée à l’organisation des dégagements visuels entre la position de l’observateur (en général le réseau des routes et des chemins) et les horizons qu’il pourrait avoir à considérer. D’une manière générale, les bois ou les haies sont très nombreux aux bords des routes et des chemins du Morbihan (qu’on songe au traditionnel chemin creux du bocage), ils ne permettent qu’occasionnellement une vision large.

JPEG - 1.8 Mo
Boisement en progression
A l’est de Locmaria, sur la RD 156, une ouverture visuelle est en cours de fermeture par un boisement de jeunes résineux presque entièrement camouflés par les fougères, les ajoncs et les genêts.

Cette fermeture des paysages par la végétation semble d’ailleurs toujours une tendance actuelle : on observe facilement des parcelles récemment plantées, parfois devant un paysage de qualité.

JPEG - 853.3 ko
Répartition des motifs arborés
Au sud de Locminé, dans les Landes de Lanvaux, les grands boisements marquent nettement les sommets des plissements. A ces masses s’ajoute une myriade de petits bois ainsi qu’un réseau très fin de haies et de boisements de berges, composant un territoire dont les ouvertures sont limitées par d’innombrables lignes arborées.

Les landes, légendaires mais quasi disparues
Dans les secteur connu sous le nom de "Landes de Lanvaux", les landes sont un souvenir transmis par la toponymie, mais n’apparaissent que très ponctuellement dans le paysage [6].

JPEG - 205.6 ko
Cartes des landes et pelouses sèches
Si les landes continentales , particulièrement celles de Lanvaux, ne constituent plus que des taches résiduelles, les landes côtières (y compris les pelouses dunaires) forment encore de belles continuités.

Certes, dans la partie continentale du Morbihan, les taches de landes résiduelles sont encore nombreuses mais elles forment rarement le paysage ouvert et assez peu géométrique qu’évoque cette appellation : le plus souvent en bordure ou à l’intérieur des boisements, elles apparaissent sur la carte comme des variations des domaines forestiers qu’elles accompagnent.

JPEG - 794.2 ko
Landes à Belle-Ile
Ces formations autrefois étendues n’occupent plus que quelques sites du département
JPEG - 433.2 ko
Landes de Crano à Bieuzy (BDOrtho 2004)
Les landes apparaissent encore nettement dans la partie centrale de la photo autour des taches de sol nu. Mais on devine que les espaces boisés situés à leur périphérie ont vocation à s’étendre.
JPEG - 570.7 ko
Landes de Lanvaux à Elven (BDOrtho 2004)
Parmi les parcelles récemment reboisées, quelques taches de végétation arbustive rappellent la présence historique des landes en voie de disparition.

Les landes littorales sont restées proportionnellement assez étendues, notamment sur la côte qui va de Quiberon à Lorient et sur les îles. Contrairement aux landes continentales, cette conservation, qui peut résulter notamment de facteurs climatiques, de considérations touristiques ou environnementales, ou encore de la rétention foncière, a permis de maintenir des conditions de paysages de landes.

JPEG - 349.9 ko
Plage des Govelins à Saint-Gildas-de-Rhuys
A la différence des landes continentales, les landes côtières et les formations dunaires littorales occupent encore parfois des espaces significatifs et peuvent être des constituants importants du paysage. Divers aménagements, comme ici, peuvent contribuer à les conserver

Mais il faut encore souligner que, dans le domaine forestier ou sur la côte, les plus grandes étendues de landes correspondent à des terrains militaires (camps de Coëtquidan, Gâvres et dans une moindre mesure Meucon).

 Villes, bourgs et infrastructures peu polarisés…
et souvent disséminés [7]


Outre le fait qu’il n’y existe pas de très grande ville, l’urbanisation du Morbihan présente deux caractéristiques principales : un tissu de petites villes, bourgs, villages et hameaux assez régulièrement implantés sur l’ensemble du territoire, et une densification urbaine à proximité du littoral. Si les deux agglomérations, Vannes (130 000 habitants en 2006) et Lorient (185 000 habitants en 2006), implantées en retrait du littoral proprement dit, se sont plus agrandies vers l’intérieur que le long de la côte, le bord de mer tend à former une conurbation sans centralité marquée, seulement interrompue par le champ de tir de Gâvres entre la presqu’île de Quiberon et l’embouchure du Blavet. Entre ce tissu littoral et les deux agglomérations, les plaines côtières se caractérisent par des bourgs un peu plus nombreux et un peu plus importants que dans le centre et le nord du département mais avec une répartition assez comparable.

JPEG - 442.5 ko
Carte de l’urbanisation et des réseaux
La principales concentrations urbaines se trouvent sur la côte et la plaine côtière mais le réseau des bourgs et des routes est remarquablement régulier dans tout l’espace intérieur du département.

Cette tendance à la répartition forme un réseau assez régulier, avec des bourgs-centres de 2000 à 3000 habitants, assez nombreux, quelques centres plus importants parmi lesquels Pontivy et Auray, avec environ 20 000 habitants se détachent devant Ploërmel (env. 10 000).
En dehors de l’attraction de la mer, la localisation des villes et des bourgs semble donc dépendre assez peu des autres données géographiques. Les sites d’implantation ne privilégient pas non plus des schémas particuliers : on trouve autant de bourgs sur les plateaux (Questembert, Pluvigner…) qu’en fond de vallée (Pontivy, Malestroit…) ou sur des hauteurs proches des vallées (Ploërmel, le Faouët…).
En l’absence de contraintes topographiques fortes, le réseau routier est à l’image de la faible polarité urbaine, reliant les centralités par des tracés assez directs, avec une densification littorale modérée.
En retour, cette répartition routière et citadine apparemment peu contrainte semble entretenir peu de relations avec les composantes naturelles.

JPEG - 541.1 ko
Carte de la répartition du bâti
Si on fait abstraction des centre urbains importants, le Morbihan apparaît tout entier saupoudré de constructions isolées ou en petits groupes.

A un niveau plus fin, l’implantation des bourgs et des hameaux réserve quelques secteurs peu habités correspondant surtout aux massifs boisés (Paimpont, Lanouée, Monts de lanvaux) ainsi qu’une tendance à la dispersion moindre sur les plateaux du nord-est du département.

Le réseau des voies semble ainsi obéir à une logique propre, et ne permet, par exemple, de suivre réellement que le cours des rivières navigables. Ailleurs, ce ne sont pas les formes du relief, pas assez marquées pour cela, qui guident le positionnement des infrastructures. On ne trouve de telles structures qu’à l’occasion, par exemple, des cluses. Sinon, le tracé des voies, assez indifférent à la charpente naturelle, pose sur le territoire une nouvelle résille, d’une autre maille, peu favorable à la compréhesion du territoire et aux conditions de sa perception.

Quant au bâti, nous sommes dans l’Ouest, dans une région où l’eau semble partout accessible, et qui ne connaît pas la tradition du village regroupé au centre d’une campagne non bâtie.

JPEG - 445.2 ko
Paysages avec maisons
Au sud de Josselin, sur la RD151 entre St-Servant et l’Hopital Robin. Une ouverture dans la haie bocagère vient cadrer un dégagement où apparaissent trois maisons de trois époques différentes, dont les façades claires se détachent sur le fond de plan boisé. Ce type de scène se rencontre sans cesse, y compris à l’écart des pôles urbains.
JPEG - 730.1 ko
Routes et bâti
Au sud de Locminé, dans les Landes de Lanvaux. En rouge apparaissent le réseau des routes et la répartition du bâti. La position des villages commande un réseau de routes qui prend, dans le relief, de multiples positions, occasionnant autant de situations paysagères différentes. Outre les villages, on distingue nettement un semis dense de bâti dispersé dans les territoires, donnant le sentiment d’un paysage très habité.

Ici, le bâti est partout, en villes, bourgs, villages, hameaux, écarts, petits groupes de logements ou d’activités, et très souvent isolé, qu’il s’agisse des fermes, mais aussi des chapelles, des maisons, ou encore des grands silos (en général très visibles sur les crêtes) ou des usines (en général d’agro-alimentaire). Cette grande dispersion du bâti s’ajoute à la complexité de la répartition des autres composantes, dont résulte l’impression générale de très grande variété, de dissémination et d’imprévisibilité.

JPEG - 1.1 Mo
Bâtiment agricole
Dans les environs de Muzillac, entre Coat Bihan et Limerzel. Un dégagement visuel apparaît dans un creux, borné de bois en crête du relief. Sur la ligne de lisière sombre se détachent les volumes clairs des bâtiments, dont la dispersion dans le territoire s’ajoute à celle des fermes et des maisons.

 Des territoires finalement peu différenciés


La dissémination des éléments, et le fait qu’ils composent de très petites unités de paysage, dans des conditions de perception très variables, s’applique à une part importante du territoire : les Landes de Lanvaux, le plateau de Guémené-Gourin, les plaines littorales en dehors des sites de la côte. Le phénomène a tendance à unifier les impressions ressenties, faites partout d’une multitude de petites unités observables, et selon des organisations partout changeantes entre les éléments de composition. Les différences d’organisation des paysages vont dans ce cadre être sensibles surtout lors des grands parcours, à l’échelle de la structure départementale. En revanche, il sera plus difficile de localiser avec précision les micro-ambiances ressenties. Enfin, par contraste, les structures paysagères identifiables retiendront davantage l’attention, comme c’est le cas des « sites » de la côte, des plaines agricoles, des reliefs boisés notamment.

Des paysages inépuisables et en mouvement
Ce vaste morcellement donne la sensation d’un pays infini, indéfiniment explorable, qui réserve aux visiteurs encore et encore une infinité de découvertes, et qu’il serait impossible de parcourir en chacune de ses unités de perception avant qu’elles n’aient déjà commencé à se renouveler.
Il en ressort également l’idée de paysages dont la qualité ne repose pas sur de vastes structures patrimoniales, sur des organisations figées par la représentation ou la tradition. Au contraire, le mouvement est autant nécessaire à l’observateur pour les découvrir qu’il semble en permanence à l’œuvre sur les éléments eux-mêmes.

Les boisements, notamment, se montrent non fixés dans leurs limites, prêts à gagner encore du terrain, parfois malheureusement au détriment de certain dégagement visuel, de certaine lisière lumineuse… L’agriculture réserve aussi des surprises, comme cet élevage de porcs en plein air dont l’image n’a encore rien d’habituel et apparaît comme un paysage que l’on vient d’inventer. Les éoliennes s’ajoutent à d’autres signes très contemporains comme les grands silos pour apporter, au sein de ces vastes territoires sans grande structure apparente, une contemporanéité qui ne vient pas bousculer un ordre établi.
C’est là probablement une chance, à saisir collectivement dans un possible projet de paysages répondant aux attentes de la société contemporaine.

JPEG - 291.2 ko
Porcs au pré
Sur la RD151, vers Saint-Servant. La vision d’un pâturage de porcs n’est pas banale. A côté des stabulations qui cachent les animaux aux regards, ce type de scène produit des paysages inhabituels.
JPEG - 183.8 ko
Paysages modernes
Arrivée à l’ouest de Saint-Jean-Brévelay, vue sur la vallée du Lay. On remarque à la fois le découpage du territoire par les motifs boisés (horizon forestier, lignes de bocage), l’habitat dispersé dont les façades blanches se détachent, et les motifs d’une agriculture moderne : les silos à l’horizon, les stabulations à gauche, le verger au premier plan, qui n’a plus grand chose à voir avec l’image convenue d’un verger.

Notes

[1Des informations complémentaires concernant la géologie du Morbihan sont consultables sur le site de l’Odem

[2La lecture des notices des différentes cartes géologiques du Morbihan au 1/50 000 (dont on trouvera la liste dans la bibliographie) est parfois éloquente :

« Comme dans l’ensemble de la Bretagne centrale, le Briovérien supérieur correspond à une puissante série dont les variations verticales et latérales sont encore méconnues…
Principalement du fait de la rareté en affleurements, les contacts [entre les deux unités de Briovérien identifiées sur la feuille de Ploërmel] ne s'observent malheureusement jamais nettement sur le terrain et l’emploi [d’autres arguments] est nécessaire pour les distinguer...
Il s’en suit une méconnaissance importante dans la nature et la localisation précise des contacts. Ainsi, les différences entre les unités peuvent s’expliquer, soit par des variations latérales ou verticales de faciès, soit par des juxtapositions, soit par des empilements (chevauchements ?)liés à la présence d’accidents n’ayant en surface aucune signature particulière. »
Thomas E. et al, Notice explicative de la feuille de Ploërmel à 1 /50 000, BRGM, 2004

[3« Des études morphologiques récentes (Bonnet, 1998 ; Bonnet et al, 2002) ont montré que le relief actuel du Massif armoricain est un relief jeune et d’âge Pléistocène. » E. Thomas et al, op. cit., p74

[4Sur l’évolution du bocage et des landes, voir aussi Plumelec, un demi siècle d’évolution dans Evolutions récentes et en cours.

[5Ce n’est pas une particularité bretonne, les conifères sont absents de la plupart des forêts de l’Ouest français avant leur introduction volontaire pour le reboisement ou l’ornement. B. Geffroy et H. Lamarche (Utilisations sociales et conflictuelles des landes bretonnes : l’exemple de Lanvaux , In : Etudes Rurales , n° 71-72, 1978, pp 231-250) indiquent que les surfaces boisées du Morbihan sont réduites à 2,8 % de la superficie du département en 1733. Malgré une volonté de reboiser en privilégiant les pins, illustrée par exemple par la création de la Compagnie de Bretagne pour la plantation des pins en 1828, les premières tentatives n’ont pas les succès escomptés. La superficie boisée n’est encore que de 5,6 % en 1850.

[6Les surfaces de landes ont peu diminué avant le milieu du XIXe siècle, passant de 48,4 % de la surface du département en 1733 à 45,8 % en 1850, date à partir de laquelle elles décroissent assez rapidement (cf. Geffroy et Lamarche, op. cit., 1978) pour atteindre aujourd’hui environ 3 % (d’après les données du ministère de l’agriculture - Enquête Teruti 2008)

[7Sur l’évolution de l’urbanisation voir aussi Evolutions récentes et en cours ainsi que le paragraphe consacré aux formes des extensions urbaines depuis les années 1960 dans Caractères de l’urbanisation du Morbihan


| Plan du site |