Cet ensemble comprenant 10 unités de paysage forme l’armature du département
Cet ensemble de paysages doit son unité aux reliefs qui séparent les plaines littorales des plateaux de l’intérieur. Il forme un enchaînement déterminé par l’alternance de crêtes et de sillons. Les variations locales sont précisées séparément pour chacune des 8 unités de paysages.
Le nom des landes de Lanvaux apparaît sur les cartes de Bretagne, il est pourtant difficile, pour qui n’y est jamais allé, de se faire une idée préalable des paysages que l’on y observe. En effet, on ne trouve que peu d’éléments de représentation de ces territoires (documents écrits, illustrations, photographies...), à part ce nom de landes auquel sont associées des images mentales, et qui correspond à un élément devenu peu fréquent dans le paysage.
C’est pourquoi la dénomination « reliefs des Landes de Lanvaux » a été choisie en raison du rôle très important joué par les formes des reliefs dans la perception de cet ensemble de paysage, tout en conservant une appellation encore couramment utilisée.
Les landes, une appellation aux significations multiples
Hier, le terme de "landes" désignait simplement de mauvaises terres, de moindre intérêt agronomique, considérées comme des contrées tristes et désolées, sans qualité paysagère.
Ce terme est aussi associé, de manière générale, au statut d’une terre "à l’abandon" quelles que soient les structures végétales en place (herbacées, arbustes, boisements...) ; dans ce cas il n’y a pas un paysage spécifique qui s’y associe.
A ces images s’ajoute désormais l’idée d’un "milieu" au sens environnemental. Les landes sont dans cette approche considérées comme une richesse au sein de la variété possible des milieux, porteuse de biodiversité.
La lande est également associée aux images mentales de la Bretagne dont elle constitue un des « clichés », sans être attachée à un lieu particulier mais à une ambiance. La terre non cultivée y apparaît couverte de bruyères, d’ajoncs, de genêt, dans une expression de nature originelle, à laquelle est souvent associé l’imaginaire celtique et légendaire qui peuple la lande de créatures surnaturelles, comme les korrigans.
Un seuil entre l’Armor et l’Argoat
Les reliefs des Landes de Lanvaux traversent le département d’ouest en est, et jouent un rôle déterminant dans les perceptions à grande échelle. Parallèles à la côte dont ils sont proches, les reliefs successifs instaurent une frontière nettement ressentie entre les ambiances de l’océan et celles de la Bretagne intérieure.
Alors que les côtes et les plaines littorales présentent un relief plan, proche de la mer elle-même, les premiers coteaux des reliefs des Landes de Lanvaux viennent constituer un « front » que l’on aperçoit quelquefois depuis le golfe du Morbihan, un horizon derrière lequel se situent les paysages de la Bretagne intérieure.
La succession de rides est-ouest est moins sensible à l’ouest (sauf au niveau de la cluse de Trémorin qu’elle met en valeur). De plus elle est peu perceptible dans le Finistère où le système se prolonge de manière atténuée. C’est pourquoi les unités de paysage de la campagne de Languidic et de la campagne de Plouay sont rattachées à l’Armor morbihannais [1]. A l’est, elle semble bornée par la vallée de la Vilaine.
Si les grands reliefs sont clairement lisibles, les transitions avec les plaines et plateaux au nord et au sud le sont beaucoup moins, la lecture étant brouillée par la dispersion des composantes sur une charpente naturelle mouvementée.
Un vaste ensemble de paysages faiblement contrastés
Des ambiances comparables règnent sur la totalité de l’ensemble de paysages, caractérisées par l’émiettement des éléments qui composent des échelles intimes de perception et par la faible structuration des paysages. Quelques différences peuvent être observées dans la répartition et le dosage des composantes (reliefs, boisements, bocage…). Elles n’occasionnent pas de francs contrastes en termes de perception mais permettent néanmoins d’identifier différentes unités de paysage.
Sur le socle d’un relief original et complexe, les éléments de composition se présentent en ordre dispersé, obéissant par endroits seulement à une organisation identifiable. Il en résulte un paradoxe entre un ensemble de paysages très étendu et des unités de perception au contraire réduites, agréablement intimes, des situations très variées et sans cesse renouvelées au cours des déplacements.
Reliefs : une structure de plissements
La géologie très particulière du Morbihan (voir le chap. conditions du paysage), a permis de révéler les alignements rocheux de direction est-ouest d’un socle déjà érodé. Ces reliefs nettement marqués constituent la base du paysage et de sa perception. Leurs ondulations, plus fortes en allant vers le centre du département, s’adoucissent et se relâchent à l’est et se mêlent à l’ouest aux reliefs complexes de la Cornouaille intérieure et de son réseau de vallées.
A une échelle plus fine, un micro relief secondaire se superpose et "gaufre" les parties les plus élevées.
La succession de crêtes et de sillons constitue le premier facteur de découverte du paysage, tout en apportant une des originalités les plus marquantes au département. Les réseaux principaux sont orientés d’est en ouest, ils guident dans cette direction la lecture du territoire. Les rivières ont emprunté ces formes naturelles, mais les vallées orientées par les conditions géologiques ne conduisent pas directement à la mer. Les cours d’eau ont par conséquent dû creuser des cluses, autres formes originales du relief, qui viennent recouper l’orientation des crêtes et constituer des sites singuliers (île aux Pies). L’orientation générale est-ouest favorise les contrastes entre les versants exposés au sud, bien éclairés, et les versants nord que l’on observe moins facilement à contre-jour.
Les reliefs secondaires des affluents s’ajoutent aux alignements et aux cluses, formant un ensemble très mouvementé, aux formes complexes, qui procure un sentiment général de désorientation, d’enfouissement dans l’intérieur des terres, renforçant le caractère intime des lieux et l’exceptionnel contraste d’ambiance avec la côte. Ces formes expliquent par exemple le caractère remarquablement pittoresque du site de Rochefort-en-Terre.
L’eau : un réseau omniprésent mais complexe
A l’échelle de l’ensemble de paysages, il faut noter un phénomène spécifique : dans un même sillon, des rivières peuvent couler dans des directions opposées vers l’ouest et l’est pour rejoindre le Blavet, la Vilaine et le Loc’h. Le sentiment de désorientation, de labyrinthe, est ainsi accentué, de même que l’originalité du territoire.
Cette eau omniprésente, associée aux reliefs, se manifeste par des motifs "discrets" : fossés, talus, ruisseaux en fond de pâture. Elle est souvent camouflée dans une végétation abondante.
La végétation : une structure identifiable et une dispersion déterminante
Les principales crêtes sont occupées par la végétation tandis que les fonds sont plutôt visuellement dégagés du fait des cultures. Cette structure est lisible depuis certaines hauteurs, depuis les fonds dégagés, et marque les principaux sillons par un phénomène de répétition, de paysages parallèles et identiques. Cette sensation est accentuée par le fait que de nombreuses routes traversent le système.
Partout ailleurs la végétation semble omniprésente. Elle se présente à la fois sous des formes très diverses – haies du bocage, boisements de feuillus et plantations de conifères, vergers, friches, végétation des berges - et dans toutes sortes de situations du relief – crêtes, coteaux, fonds…). Le paysage est ainsi nettement marqué par la présence des arbres et défini en une multitude de limites visuelles, produisant une infinité d’unités de perception à échelle rapprochée. Très dynamique et animé, notamment lors des déplacements, ce type de paysage est cependant avare des grands dégagements et des horizons plus vastes que permettrait la forme des reliefs.
Des conifères en forte proportion
La région des landes de Lanvaux est la plus boisée du département, avec la plus forte proportion de résineux. Ils sont disposés de différentes manières dans le paysage : les grands boisements des monts de Lanvaux participent d’une structure paysagère en coiffant les grands reliefs de crête autrefois couverts de landes. C’est une végétation sombre, accentuée dans les lectures à contre-jour, qui contraste avec la lumière des fonds plus dégagés ;
en bosquets, indifféremment en position haute ou basse des vallées, ils animent le paysage et ne constituent pas obligatoirement des éléments d’occultation (c’est le cas des grands bouquets de pins arrivés à maturité dont la transparence des troncs laisse passer le regard) ;
ponctuellement, des haies de conifères accompagnent les éléments bâtis, notamment les bâtiments d’élevage. Ils peuvent révéler par contraste l’impact d’une implantation bâtie (la maison blanche sur fond vert sombre) ou devenir un élément totalement occultant.
Un bocage inégal
Dispersé, en petites unités, le bocage est plus lisible au sud, au delà du sillon du Tarun et de la Claie, dans les unités des crêtes de Saint-Nolff et du plateau de Questembert. Le bocage existe aussi dans la partie Nord de l’ensemble, mais en moindre quantité, localisé principalement dans les unités de la campagne de l’Aff et du plateau de Plumelec.
Des landes en voie de disparition
Les landes sont aujourd’hui quasiment absentes. L’abandon des pratiques anciennes de pâturage ou d’étrépage, la plantation de pins et la colonisation naturelle se sont imposés à son détriment. Le paysage y perd une part de variété, une « couleur de moins » dans la palette. On remarquera également que le rapport d’échelle n’est pas le même entre une végétation rase et des boisements. Les reliefs ont ainsi tendance à être écrasés par la taille relative des arbres, notamment à l’approche des cluses, qui n’expriment pas toute leur valeur « dramatique », et les affleurements de roches, magnifiques scènes de paysage, sont enfouis sous la masse des arbres.
Les landes sont porteuses de valeurs, qu’elles soient environnementales, esthétiques, identitaires, voire légendaires, et pourraient apporter à nouveau un intérêt non négligeable aux paysages. Elles nécessitent cependant une gestion spécifique pour exprimer tout leur potentiel, en particulier celui de la végétation rase.
Un bâti relativement peu dense
Le réseau des agglomérations est ici moins dense que dans le reste du département, probablement en raison de la faible valeur des terres cultivées. L’influence des villes se fait toutefois nettement sentir le long des axes routiers, l’emprise urbanisée progressant aux approches de Vannes et de Lorient.
La plupart des villes et des bourgs ont choisi le rebord des crêtes pour site d’implantation et s’organisent en chapelets lisibles à l’échelle de l’ensemble. Ailleurs sur les crêtes, ce sont les boisements qui dominent.
Carte d’analyse urbaine et coupes
Cette structure d’implantation urbaine en belvédère adossée aux boisements prédispose villes et bourgs à jouir du paysage des sillons (lorsque celui-ci n’est pas à contre-jour) et des ambiances de forêt facilement accessibles. Parfois cette position est remarquablement mise en scène (c’est le cas de la cité très pittoresque de Rochefort-en-Terre).
Ailleurs, l’habitat et les activités (élevages et usine agro-alimentaires) sont globalement dispersés, fermes et hameaux sont très souvent en cul-de-sac et la plupart du temps en surplomb sur un bras de rivière, comme posés dans le paysage de manière spontanée et au gré de la qualité des positions en surplomb sur des ouvertures.
Comme ailleurs, la dispersion du bâti marque le paysage, qu’il s’agisse de logements, de fermes, de bâtiments d’élevage ou d’usines de transformation. Les axes routiers tendent évidemment à concentrer les sites d’activités à proximité des échangeurs.
Des infrastructures plutôt perpendiculaires aux reliefs
Les principales liaisons sont orientées nord-sud et traversent successivement les crêtes et sillons qui ne sont empruntés que par des routes secondaires. Les RN 24 et RD 15, tout particulièrement, présentent un très important linéaire dans les landes de Lanvaux dont les ambiances et les rythmes dominent les traversées du département. Depuis les crêtes, certains paysages s’offrent avec une certaine grandeur, surtout dans le sens sud-nord, sans contre-jour : la découverte de la vallée de la Claie depuis la crête sur la RN 24 est par exemple un superbe moment du parcours. Ces routes entraînent également une intensification des implantations bâties, dont les qualités paysagères (implantations, couleurs…) sont à mesurer en fonction des perceptions depuis la route. Les axes sont souvent accompagnés d’une végétation dense qui masque parfois des horizons qui seraient intéressants.
Le long des routes plus petites, on trouve aussi des alignements de beaux chênes qui donnent soudainement plus d’ampleur au paysage, le mettent en scène par le cadrage et impriment une ambiance de jolie campagne accompagnant l’intimité des espaces.
Les rivières, parcours potentiels
Les rivières, les rus et les fossés composent un réseau dense guidé par les reliefs boisés qu’ils accompagnent en parallèle dans le creux des sillons.
L’Arz, le Loc’h, le Tarun et la Claie, qui sont tous orientés dans une même direction par les reliefs, sont peu visibles. Hormis quelques franchissements routiers des rivières, les routes s’interrompent en impasses légèrement en amont des talwegs et ne proposent pas de cheminement jusqu’à la rivière. Il n’est d’ailleurs pas possible, hormis le long de l’Oust (canal de Nantes à Brest), de se promener au bord des rivières qui sont dépourvues de chemin.
Les sillons et en particulier le fond des vallées ont pourtant l’avantage de "condenser" les composantes et d’offrir un cadre agréable de jouissance du paysage (sensation d’intimité, découverte, fraîcheur des ambiances...) à travers la simple promenade jusqu’aux activités et loisirs d’eau douce.
A proximité immédiate de la côte (on aperçoit le golfe du Morbihan depuis les hauteurs de Lézelannec au nord de Vannes), l’ensemble de paysages des reliefs des Landes de Lanvaux propose un contraste d’ambiances qui marque la figure départementale. A côté des horizons dégagés de l’océan, l’enfouissement dans les creux, à proximité des villes animées, révèle une campagne tranquille.
L’originalité des reliefs n’est probablement pas suffisamment connue ni révélée, mais reste un facteur d’ambiance.
La part des boisements et le réseau des chemins contraignent l’accessibilité et la lisibilité des paysages, de même que leur potentielle variété, mais les situations rencontrées sont agréablement renouvelées.
Les paysages du XIXe siècle sont marqués par des milliers d’hectares de lande faisant partie du système agricole : elle est utilisée comme engrais (écobuage) et comme litière (étrépage) l’hiver pour les animaux qui y pâturent le reste de l’année. Dénuées d’usage, les landes sont à présent relictuelles ou absentes.
Les dynamiques de fermeture définitive et d’homogénéisation des pratiques agricoles de cultures et d’élevage, d’enrésinement par plantation ou semis spontané (pin maritime) et de perte définitive des dernières et rares landes et tourbières qui participent à la diversité paysagère et environnementale pèsent sur ces paysages. Sous l’influence des axes de circulation, la pression urbaine s’exerce également.
En revanche, malgré le potentiel, le touriste ne semble pas « passer la barrière » des reliefs des landes de Lanvaux, peu fréquentés et très peu présents dans les guides et les images.
Travailler les formes urbaines en intelligence avec le paysage Mettre un terme à l’étalement urbain pavillonnaire, notamment à proximité de Vannes
Intégrer les bâtiments d’activités et d’élevage (éviter les positions de crête, intégrer la végétation existante dans les nouvelles implantations, utiliser des essences caduques pour les haies de clôture
Mettre en valeur les positions de belvédère naturel pour les nouvelles implantations en continuité des villes et bourgs existants, en prenant soin d’éviter des implantations et des matériaux trop visibles
Énoncer des plans coordonnés de développement le long des principaux axes routiers, encadrant les implantations bâties, les traitements paysagers des abords (dégagements et occultations)
Valoriser les itinéraires de promenades via les rivières, révéler les parcours de l’eau Rendre accessible le bord des ruisseaux et rivières non navigables
Proposer des parcours en réseaux de paysages, associant lisières boisées sur les hauteurs et parcours le long des vallons secondaires qui descendent au creux des sillons.
Préserver les ouvertures des cultures, maitriser les boisements Eviter les effets de "rideaux" de végétation le long des rives, favoriser au maximum des ouvertures par une gestion adaptée et régulière de leurs abords
Maintenir les ouvertures en fond de vallée, favoriser davantage des associations pastorales
Chercher à retrouver les landes sur les crêtes
Contrer les reboisements spontanés (ensemencement du pin...)
Accentuer la valorisation des boisements en filière énergétique (granulés pour le pin maritime par exemple...) de sorte à restaurer à terme des espaces dégagés et des landes
Identifier les réseaux pertinents du bocage pour une action de préservation, de compléments et de gestion.
Valoriser les points de vue sur "le grand paysage", les perceptions lointaines Localiser les points de vue majeurs le long des chemins et des routes
Villes et bourgs en rebord de crête : valoriser l’accès aux points de vue depuis les espaces publics
Proposer des actions d’aménagement de ces belvédères (détente et contemplation). Par exemple la situation naturelle de promontoire sur le golfe du Morbihan des crêtes de Saint Nolff est loin d’être idéale (effets des boisements, de la situation à contre-jour et du faible nombre de points de vue...)
Éviter des implantations urbaines dommageables pour les paysages.
Identifier et préserver les motifs végétaux (beaux arbres et alignements) le long des routes Localiser les alignements remarquables
Proposer des mesures de compléments de plantation et d’entretien des structures végétales.
Valoriser les sites originaux des cluses Établir des plans de valorisation paysagère des cluses : modes d’approche, points de vue proches et lointains, place de la végétation…
Valoriser l’image des paysages
Les reliefs des Landes de Lanvaux souffrent d’une trop faible image malgré le potentiel et l’originalité des sites, et méritent une plus grande notoriété en tant que paysages.
[1] Selon les "points de vue", finistérien ou morbihannais, ces unités peuvent appartenir à l’ensemble des reliefs des Landes de Lanvaux ou à l’Armor morbihannais, voire à la Cornouaille intérieure. Le classement retenu, suceptible de modifications ultérieures, s’inscrit dans une logique régionale.